Drapeau canadien avec un gratte-ciel bleu derrière

Article

Litige, arbitrage et médiation au Canada : Aide pour les multinationales

À jour au 2 septembre 2025

Cet article fait partie d’une série rédigée à l’intention d’entités internationales qui souhaitent lancer ou exploiter une entreprise au Canada, ou encore investir dans une société canadienne. Du droit de l’emploi au droit fiscal, chaque article couvre un secteur juridique fondamental au Canada et fait l’objet d’une mise à jour annuelle. Vous trouverez toute la série sur la page Faire affaire au Canada : Guide pratique de A à Z.

Procédure civile

Au Canada, les règles de procédure civile qui régissent les litiges permettent d’échanger des actes de procédure et de la documentation pertinente. Les interrogatoires préalables à l’instruction (qui s’apparentent aux dépositions, mais sont encadrés par des critères de pertinence beaucoup plus sévères) ne sont permis que pour un seul représentant de chaque partie, sauf sur autorisation du tribunal. Dans les grands centres urbains, beaucoup de causes sont gérées par des juges ou des fonctionnaires de justice qui les font progresser de façon ordonnée jusqu’au procès. Au Canada, le recours à un jury dans des litiges civils est beaucoup moins fréquent qu’aux États-Unis.

La Cour supérieure de justice de l’Ontario a instauré un « rôle des affaires commerciales » qui a compétence sur bon nombre de questions comme la faillite, les droits des créanciers, les différends entre actionnaires, les réorganisations de sociétés, etc. Cette entité est reconnue pour son efficacité et pour l’expertise de ses juges.

Actions collectives

L’action collective est une procédure judiciaire courante au Canada. Toutes les provinces ont adopté des lois qui énoncent les exigences procédurales encadrant les actions collectives qui y sont intentées. Les trois territoires canadiens s’appuient quant à eux sur la common law pour structurer leurs actions collectives, alors qu’au fédéral, les modalités en la matière sont enchâssées dans les règles de procédure.

Habituellement, les actions collectives sont gérées par un juge du territoire où elles sont engagées. Qu’une réclamation fasse l’objet d’une demande d’action collective ne change rien au droit substantiel; le demandeur doit établir la même cause d’action, et la partie défenderesse présenter la même défense, que s’il s’agissait d’une action individuelle. L’action collective permet simplement de regrouper de multiples réclamations similaires en une seule procédure. Aussi, tout groupe de demandeurs (et quelquefois de défendeurs) doit être certifié avant que l’action puisse mener à un interrogatoire préalable et à un procès. Le plus souvent, les actions collectives sont engagées pour des enjeux relatifs aux valeurs mobilières, à la responsabilité civile, à la responsabilité du fait du produit, au respect de la vie privée, à la protection du consommateur et à l’emploi. Les actions collectives ont tendance à suivre des modèles de litiges américains, si bien que plusieurs procédures canadiennes ne sont que des « copies » de litiges du pays voisin. La majorité des provinces de common law imposent un délai de prescription de deux ans à partir du moment où les faits à l’origine de la réclamation sont découverts (cette période est de 3 ans au Québec). Le dépôt d’une demande d’action collective interrompt le délai de prescription ordinairement imposé pour les actions individuelles des membres du groupe; le « compteur » ne se remet généralement pas en marche à moins que la certification (l’autorisation au Québec) ne soit refusée.

La législation canadienne se distingue en permettant aux tribunaux de chaque province ou territoire d’autoriser en toute indépendance une action collective nationale. De plus, les actions collectives peuvent être portées devant la Cour fédérale si elles ciblent des entités gouvernementales fédérales ou sont engagées en vertu de lois fédérales comme la Loi sur la concurrence. Il n’est donc pas rare que des actions collectives soient intentées simultanément dans des territoires différents. Contrairement aux États-Unis, le Canada ne dispose pas d’une procédure de litige multiterritoriale. La coordination de procédures qui se chevauchent dépend plutôt des juges à qui celles-ci sont confiées et d’initiatives d’uniformisation proposées par l’Association du Barreau canadien. Le critère de certification (ou d’autorisation au Québec) varie d’une province à l’autre. En effet, même s’il n’est généralement pas nécessaire pour les demandeurs de prouver que les enjeux collectifs ont préséance sur les causes individuelles, des modifications à la législation de l’Ontario en 2020, et plus récemment à celle de l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), imposent désormais des critères de supériorité et de prédominance dans ces mêmes provinces. Cependant, quel que soit le territoire, les demandeurs doivent démontrer que l’action collective est la meilleure méthode pour résoudre le différend. Bien que cette exigence ne soit pas encore appliquée à la lettre, les modifications législatives en Ontario et à l’Î.-P.-É. forceront les tribunaux à prioriser les questions en fonction de leur degré de supériorité et de prédominance.

Dommages-intérêts

En règle générale, les dommages-intérêts attribués dans le cas de réclamations en responsabilité civile délictuelle sont moindres qu’aux États-Unis. Des dommages-intérêts punitifs, majorés et exemplaires sont permis – et parfois accordés – dans des cas de responsabilité civile délictuelle et, plus rarement, de rupture de contrat, mais encore une fois, ils sont habituellement beaucoup moins importants qu’aux États-Unis et généralement circonscrits au Québec. Dans les territoires de common law, des dommages-intérêts punitifs peuvent être accordés dans toute poursuite civile où le demandeur prouve que la conduite du défendeur est « si malveillante, opprimante et abusive qu’elle choque le sens de dignité de la cour », alors que le Code civil du Québec n’autorise leur attribution que « lorsque la loi [le] prévoit », auquel cas « ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive ».

Comme le recours à un jury pour un litige civil est beaucoup moins fréquent au Canada qu’aux États-Unis et que les dommages-intérêts accordés y sont bien moindres, il n’y a pas de débat entourant la réforme de la responsabilité délictuelle au pays ni de territoire qualifié de « sensible au demandeur » (sauf peut-être le Québec) ou de « favorable au défendeur ». Dans la mesure où des risques de litige peuvent influencer les prises de décision d’une entreprise, une analyse plus nuancée s’impose. Aussi, la qualité et la profondeur du « rôle des affaires commerciales » en Ontario constituent souvent des éléments persuasifs pour les clients d’envergure, tout comme l’application d’un code civil plutôt que de la common law au Québec, qui incitera ces mêmes clients à minimiser leur exposition potentielle dans la province. D’autres facteurs doivent également être pris en compte, comme la fréquence du recours à un jury dans des causes civiles, l’existence d’un régime public d’assurance automobile obligatoire (comme en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Saskatchewan et, en cas de blessures résultant d’un accident de la route, au Québec) et la législation sur la protection du consommateur.

Médiation

Dans certaines régions du Canada, les parties doivent passer par la médiation avant la tenue d’un procès. Toutefois, elles sont libres de choisir leurs médiateurs. Outre la médiation obligatoire des tribunaux, les parties portent couramment leur cause en médiation volontaire devant des médiateurs formés et expérimentés, des avocats respectés ou des juges à la retraite.

Arbitrage

a) Arbitrage interne

Toutes les provinces ont des lois en matière d’arbitrage. Cela dit, d’une province à l’autre, d’importantes différences existent, notamment en ce qui concerne la possibilité pour les parties de faire appel d’une sentence arbitrale devant les tribunaux ou de s’écarter par contrat des dispositions de la loi. Le régime d’arbitrage interne du Québec est régi par des dispositions du Code civil du Québec.

En général, les cours canadiennes préfèrent s’en remettre au tribunal d’arbitrage si les parties choisissent ce mode de règlement. L’arbitrage a d’ailleurs gagné en popularité au cours des dernières années pour les différends commerciaux. Cependant, certaines lois sur la protection du consommateur interdisent les clauses d’arbitrage dans les contrats de consommation.

b) Arbitrage international

En 1986, le Canada a mis en application la Convention des Nations Unies pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (CNUDCI). À l’instar du gouvernement fédéral, toutes les provinces ont adopté la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international, bien que certaines l’aient modifiée à diverses occasions. On reconnaît le Canada comme un territoire juridique ouvert et propice à l’arbitrage interne et international. Les tribunaux canadiens ont souvent réitéré leur acceptation du principe restreignant le champ d’intervention judiciaire dans des litiges commerciaux internationaux encadrés par une convention arbitrale, tel qu’il est présenté dans la Loi type. Ils s’en remettent aussi largement aux décisions des tribunaux d’arbitrage et interprètent de manière très étroite les motifs soulevés pour passer outre une sentence arbitrale. Certaines provinces reconnaissent même explicitement les sentences arbitrales internationales au même titre que les jugements étrangers, ce qui offre aux parties des avantages juridictionnels et de plus longs délais de prescription pour mettre ces sentences en application. De plus, les tribunaux canadiens insistent systématiquement sur le caractère obligatoire des dispositions d’exécution de la Loi type.