Perspectives

POINT DE VUE

Table ronde sur les villes intelligentes, première partie : Réglementation et engagement du public

La ville du futur sera complètement redessinée par les technologies novatrices de demain, comme l’intelligence artificielle (IA), la robotique, l’Internet des objets (IdO), les infrastructures intelligentes, les systèmes de données ouvertes de même que les véhicules autonomes et électriques. Dans ce contexte, l’un des enjeux les plus pressants qui attend n’importe quelle ville est la question de savoir dans quelle mesure les entreprises derrière ces technologies auront leur mot à dire lorsque viendra le temps de façonner l’avenir, et quel rôle joueront les municipalités elles-mêmes dans l’aventure par l’intermédiaire de leurs cadres de planification et d’adoption.

Les municipalités canadiennes de toutes tailles se situent aujourd’hui au tout début du parcours complexe et potentiellement déroutant qui mène à l’édification de la « ville intelligente ». À mesure qu’elles mettront à l’essai et déploieront des projets d’infrastructures connectées en partenariat avec des fournisseurs de technologies et d’autres acteurs, elles seront confrontées à de nouveaux défis que les politiques et les cadres juridiques actuels ne sont pas encore tout à fait en mesure de régir. Parmi ces enjeux, mentionnons la logistique de la mise en œuvre, les obligations au chapitre de la cybersécurité et de l’utilisation des données des citoyens, les ententes contractuelles entre les municipalités et les fournisseurs de technologies et autres intervenants de même que la gestion des risques et des responsabilités connexes.

Pour mieux comprendre les cadres juridiques qui devront être instaurés afin de tenir compte des villes du futur, nous avons réuni des intervenants issus de quelques-unes des municipalités les plus grandes du Canada, des fournisseurs de technologies et des acteurs provenant d’autres organisations dont le mandat est directement lié à ces questions. Il en est ressorti une conversation dynamique en trois parties où l’on s’est penché sur ce qu’il faut pour passer des projets pilotes à une réglementation en bonne et due forme encadrant tous les aspects de la ville intelligente.

Une nouvelle ère pointe à l’horizon : qui donc sera derrière le volant?
  
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Participants à la table ronde

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Modérateur : Quels problèmes d’ordre réglementaire avez-vous rencontrés dans le cadre de projets pilotes ou de projets à long terme?
Nasir Kenea (chef des services informatiques, Ville de Markham) : On pourrait commencer en parlant des inspecteurs en bâtiments, qui inspectent les immeubles et donnent leur approbation quant à leur occupation ou à la qualité de la construction elle-même. Les codes du bâtiment sur lesquels ils s’appuient et qu’ils appliquent sont vraiment dépassés; souvent, ils datent de 40 ou de 50 ans. Compte tenu de l’évolution de la technologie, l’évaluation des bâtiments sera différente, mais le code n’a pas nécessairement suivi. Alors, comment pouvons-nous faire en sorte que nos employés soient à la page alors que la réglementation elle-même n’est pas à jour? 

Mais pour avoir une meilleure idée de l’écart qu’il nous faut combler pour rattraper la technologie existante, on n’a qu’à regarder le projet Quayside à Toronto. Beaucoup des matériaux et des technologies que le promoteur [Sidewalk Labs] prévoit utiliser sont en porte-à-faux par rapport à ces codes. 

Vance Lockton (gestionnaire de la gouvernance numérique, Waterfront Toronto) : C’est exact. Si vous regardez bien, vous pouvez constater que le cadre de gouvernance envisagé est presque entièrement nouveau. Sidewalk a par exemple proposé de créer son propre organisme de gestion du transport, une autorité de gouvernance des espaces verts, un code du bâtiment totalement nouveau [pour ce quartier], ce qui soulève des questions dans le public : « Pourquoi avons-nous besoin d’un organisme de gestion du transport si la Ville en a déjà un? » Si l’on se place du côté de Sidewalk, on pourrait dire qu’ils essayaient de trouver des façons de répondre aux objectifs énoncés par Waterfront dans son appel d’offres. Sans vouloir parler pour eux, on dirait qu’une de leurs considérations majeures était de se dire : « Il nous faut trouver une façon de simplifier un nombre incroyable de processus d’approbation pour ce qui touche des aspects comme les bâtiments et les travaux routiers ». Si ce n’est que ça, ça nous apprend au moins ce qu’une entreprise américaine du secteur privé entrevoit comme un défi important. 

Anthea Foyer (chef de projet, villes intelligentes, Ville de Mississauga) : Selon l’ONU, les villes intelligentes peuvent être classées en trois phases. La première est la ville intelligente créée sous l’impulsion d’une entreprise ou du secteur privé, la deuxième provient de la volonté d’une municipalité et la troisième émane des citoyens. Voilà ce qu’on considère être l’évolution d’une ville intelligente. Selon cette logique, lorsque les citoyens sont véritablement investis dans les questions comme les codes et la réglementation, c’est que la ville en est à son niveau d’évolution le plus avancé. 

En ce qui concerne Sidewalk Labs, ils disent qu’ils sont les premiers à faire ce qu’ils tentent de faire. Mais si vous regardez ce qui se fait ailleurs dans le monde, je ne suis pas sûre que ce soit vrai. C’est arrivé plusieurs fois à l’échelle mondiale : des grandes entreprises qui arrivent et font des pressions, les citoyens prennent le relai, puis enfin les gouvernements qui résistent. C’est à ce moment que les choses commencent à être intéressantes, parce que les gens se rendent compte que des choses comme les données ont de l’importance, qu’elles ont une incidence sur leur vie. Il sera intéressant de voir où les gouvernements et les citoyens se mettront à résister en ce qui concerne ces règlements. 

Nathan Muscat (avocat, urbanisme et droit des tribunaux administratifs, Ville de Toronto) : Ce ne sont pas juste les villes intelligentes; les villes en général doivent être mues par ce que veulent les citoyens. Mais l’urbanisme découle en grande partie d’un cadre réglementaire descendant. 

Je travaille dans un contexte de litige relatif à des propositions de développement. De plus en plus, des résidents qui viennent aux audiences posent des questions sur l’application ou la mise en œuvre de technologies intelligentes, comme « Y aura-t-il des prises pour mon véhicule électrique? » Ce sont des choses que les urbanistes, par le passé, n’avaient pas nécessairement à envisager d’entrée de jeu. Je me demande si I’élan ne pourrait pas venir d’un changement à la législation qui prévoirait une définition claire de ce que serait une collectivité complète. 

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