Cet article fait partie d’une série rédigée à l’intention d’entités internationales qui souhaitent lancer ou exploiter une entreprise au Canada, ou encore investir dans une société canadienne. Du droit de l’emploi au droit fiscal, chaque article couvre un secteur juridique fondamental au Canada et fait l’objet d’une mise à jour annuelle. Vous trouverez toute la série sur la page Faire affaire au Canada : Guide pratique de A à Z.
Généralités sur le fédéralisme canadien
Le Canada est un État fédéral.
Le fédéralisme canadien est aussi dynamique que déstabilisant. Complexe sans être confus, il s’appuie sur un nombre restreint de principes fondamentaux, il est souple et réactif, et il place les différences régionales et l’expérimentation locale au cœur même de l’identité nationale. Il force également la mobilisation et l’interaction constantes des décideurs et des politiciens, de même que la recherche de compromis et du consensus pour garantir l’efficacité du système de gouvernance.
Bien qu’aucune de ces caractéristiques ne le rende optimal d’un point de vue commercial, le fédéralisme canadien peut être gage de succès pour les entreprises qui savent en tirer profit. Lorsqu’il est question de commerce international, il soulève trois enjeux.
Tout d’abord, le Parlement a compétence exclusive dans des dossiers qui, en substance, portent sur le commerce extérieur, comme le tarif des douanes et d’autres mesures frontalières. Il a également le pouvoir de promulguer des lois sur des sujets touchant le bien-être de la population canadienne – bon nombre d’éléments du cadre législatif entourant l’environnement, les aliments, les drogues et la concurrence découlent notamment de son mandat général. Le Parlement exerce aussi une autorité réglementaire indirecte par son pouvoir de taxation (par exemple, l’imposition de taxes d’accise sur le tabac et l’alcool).
De plus, bien que la ratification de traités – y compris les ententes commerciales multilatérales, régionales ou bilatérales – repose uniquement sur l’exécutif fédéral, la mise en œuvre de ceux auxquels le Canada devient partie relève des autorités législatives internes. Le Parlement peut aussi faire appliquer des accords de libre-échange, par exemple en réduisant des droits de douane, dans les limites de son champ de compétence et sans empiéter sur celui des provinces.
Troisièmement, les provinces ont autorité exclusive en matière de propriété, de droits civils, d’enjeux locaux et de gestion des ressources naturelles sur leur territoire. En pratique, leur champ de compétence législatif s’étend à de nombreuses sphères économiques non assujetties aux activités législatives fédérales comme les contrats, le travail, les valeurs mobilières, les soins de santé et les accréditations professionnelles. Cet élément est d’autant plus pertinent pour les accords commerciaux qui portent sur des services ou qui nécessitent la reconnaissance mutuelle de titres de compétences.
Accords sur le commerce et l’investissement conclus par le Canada
Le Canada est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et partie à beaucoup d’accords de libre-échange couvrant près de la moitié du globe. Certaines de ces ententes visent à abaisser les barrières – tarifaires ou non – qui restreignent le commerce des marchandises, alors que d’autres portent sur des questions liées aux services, aux investissements, au marché public et aux autorisations de séjour temporaire des gens d’affaires. La gestion du cadre douanier canadien (voir la section 7.3) est régie par des disciplines internationalement convenues.
Le Canada est partie à plus de 30 traités d’investissement bilatéraux appelés « accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers » (APIE). Ces traités protègent les investissements canadiens à l’international et les investissements étrangers au pays contre des pratiques abusives, comme le traitement inéquitable ou discriminatoire et l’expropriation sans compensation adéquate, et prévoient des mécanismes d’arbitrage permettant aux investisseurs d’obtenir des dommages-intérêts pour violation de traité par la nation hôtesse.
Le cadre douanier canadien
Droits de douane
La Loi sur les douanes impose l’obligation générale de déclarer l’importation de toute marchandise au Canada. Elle précise aussi :
- les règles d'évaluation des marchandises pour le calcul des droits d’importation au Canada;
- le fondement de bon nombre de préférences tarifaires découlant des accords de libre-échange;
- les exemptions aux droits de douane;
- l’autorité conférée à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
Le Tarif des douanes fait appel au Système harmonisé pour la classification tarifaire et l’établissement des taux de droits qui s’appliquent à l’importation de marchandises au Canada. Il jette aussi les assises juridiques pour :
- les remboursements de douane;
- les reports de droits;
- les remises;
- différentes catégories de taxes à l’importation, dont des taxes d’accise et des surtaxes.
La législation douanière canadienne est mise en application par l’ASFC. La Loi sur les douanes établit également la procédure de contestation des décisions de l’ASFC quant à la classification, à l’origine ou à la valeur des marchandises ainsi qu’à d’autres enjeux douaniers liés aux importations. Les appels de décisions prises par l’ASFC en matière de douane sont entendus par le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE).
Recours commerciaux
Lorsque des pratiques commerciales inéquitables, comme le dumping ou le subventionnement, causent des dommages importants à des fabricants canadiens, d’autres droits de douane peuvent être imposés sur les importations préjudiciables.
Le dumping consiste à vendre des biens sur des marchés extérieurs à des prix inférieurs à ceux du marché national, voire au prix de revient. On dit qu’un produit est subventionné lorsqu’un avantage financier est par exemple consenti à son fabricant et que cette subvention est propre à un secteur d’activités.
La Loi sur les mesures spéciales d’importation permet d’enquêter sur les allégations de dumping et de subventionnement et sur les préjudices prétendument causés. L’ASFC est chargée de mener les enquêtes sur le dumping et le subventionnement, tandis que le TCCE doit déterminer si chaque pratique visée cause ou non un dommage important aux producteurs canadiens. Selon les obligations qui lui sont fixées par l’OMC, le Canada doit prouver que le dumping (ou la subvention) et le préjudice qui en découle sont bien réels avant que des droits définitifs puissent être imposés. Ceux-ci pourront s’appliquer pendant 5 ans et être reconduits pour des périodes successives de 5 ans.
Il existe aussi d’autres recours commerciaux, comme les mesures de sauvegarde d’urgence qui relèvent du ministère des Finances.
Régulation des importations et des exportations
Affaires mondiales Canada (AMC) gère le contrôle des importations et des exportations canadiennes en vertu de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation (LLEI). L’exportation de tout produit figurant sur la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée, y compris l’équipement militaire et les marchandises à double usage, requiert un permis du ministère des Affaires étrangères. De façon analogue, la LLEI encadre l’importation des produits de la Liste des marchandises d’importation contrôlée, qui est soumise à des quotas et conditionnelle à l’obtention de permis et au respect d’autres exigences.
Sanctions économiques
Affaires mondiales Canada administre les sanctions économiques que le Canada impose aux pays, aux organisations et aux particuliers. Les sanctions visant à mettre en œuvre les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU sont appliquées aux termes de la Loi sur les Nations Unies. Pour leur part, les sanctions unilatérales canadiennes sont imposées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus. Le ministère des Affaires étrangères peut, dans certains cas, délivrer un permis autorisant une transaction autrement prohibée par des sanctions.
Corruption d’agents étrangers
La Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE) interdit à quiconque (y compris aux non-Canadiens) de verser des pots-de-vin à des agents publics étrangers dans le but d’obtenir un avantage commercial pour toute activité ayant un « lien réel et important » avec le Canada. De plus, elle s’applique extraterritorialement à toutes les entreprises canadiennes et à tous les citoyens canadiens relativement à des activités menées à l’échelle internationale, que celles-ci concernent ou non le Canada. Les enquêtes encadrées par la LCAPE sont menées par les forces policières fédérales du Canada, c’est-à-dire la Gendarmerie royale du Canada.
Législation anti-esclavagisme
La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (loi sur les chaînes d’approvisionnement) exige que certaines organisations et institutions fédérales soumettent un rapport annuel sur les mesures qu’elles prennent pour contrer le travail forcé et le travail des enfants dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement.
Cette loi s’applique à toutes les « entités » qui produisent des marchandises où que ce soit dans le monde ou qui en importent au Canada, ou qui contrôlent une autre entité qui le fait. Défini dans la Loi, le terme « entité » regroupe principalement les organisations et sociétés ouvertes canadiennes faisant affaire au Canada dont la taille atteint certains seuils. Chaque entité doit produire un rapport détaillant les mesures qu’elle a mises en place au cours de son exercice précédent pour prévenir et atténuer le risque du recours au travail forcé ou au travail des enfants dans toutes les étapes de production de ses marchandises, dans ses activités internationales et dans ses chaînes d’approvisionnement. En cas de non-conformité, la loi sur les chaînes d’approvisionnement prévoit aussi l’imposition d’amendes pénales aux entités ainsi qu’à leurs dirigeants et administrateurs.
Parallèlement à ses lois sur la divulgation, le Canada interdit l’importation de marchandises fabriquées par de la main-d’œuvre forcée ou des enfants et peut imposer des mesures coercitives additionnelles aux importateurs en vertu de Loi sur les douanes, notamment la saisie des biens.