Cet article fait partie d’une série rédigée à l’intention d’entités internationales qui souhaitent lancer ou exploiter une entreprise au Canada, ou encore investir dans une société canadienne. Du droit de l’emploi au droit fiscal, chaque article couvre un secteur juridique fondamental au Canada et fait l’objet d’une mise à jour annuelle. Vous trouverez toute la série sur la page Faire affaire au Canada : Guide pratique de A à Z.
Introduction
Il est essentiel pour les entreprises qui exercent leurs activités au Canada de connaître le contexte juridique et historique entourant les peuples autochtones. Les droits, la gouvernance et la participation économique des Autochtones jouent un rôle important dans des secteurs tels que les ressources naturelles, les infrastructures et les grands projets d’aménagement. L’établissement de relations respectueuses et mutuellement avantageuses avec les collectivités autochtones contribue non seulement aux efforts de réconciliation, mais aussi à la réduction des risques juridiques, des litiges et des retards dans les projets.
Peuples autochtones et gouvernance
Le Canada reconnaît trois groupes autochtones distincts : Les Premières Nations, les Inuits et les Métis, qui ont chacun une culture, une histoire, des droits reconnus par la loi et des structures de gouvernance qui leur sont propres.
La plupart des Inuits sont aujourd’hui représentés par le gouvernement territorial du Nunavut et par diverses entités régionales et personnes morales qui mettent en œuvre un accord global conclu avec le fédéral dans les années 1990. De nombreux Métis s’organisent de plus en plus au sein d’entités provinciales qui cherchent à obtenir du gouvernement fédéral la reconnaissance de leur autonomie gouvernementale, mais il existe également des dizaines de petites communautés métisses, surtout en Alberta, qui jouissent de pouvoirs distincts en la matière. Bien que la plupart des Premières Nations soient dirigées par un chef et un conseil de bande établis en vertu de la Loi sur les Indiens, d’autres modèles de structure de gouvernance traditionnelle fonctionnent aussi en parallèle. Dans le Nord et en Colombie-Britannique, en particulier, un nombre croissant de Premières nations s’affranchissent de la Loi sur les Indiens en négociant des traités modernes et des ententes d’autonomie gouvernementale.
Droits autochtones et issus de traités
Les droits des Autochtones au Canada sont protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s’agit des droits suivants :
- Les droits ancestraux reconnus par la common law, qui comprennent les droits aux traditions, coutumes et pratiques traditionnelles faisant partie intégrante des cultures autochtones avant l’arrivée des Européens, comme la chasse, la pêche et la gestion du territoire, et les titres ancestraux, soit le droit à l’usage et à l’occupation exclusifs des terres traditionnelles, qui rend obligatoire le consentement des Autochtones pour tout projet d’aménagement important.
- Les droits issus de traités sont définis par des traités historiques négociés par la Couronne entre le XVIIe et le début du XXe siècle dans une grande partie de l’est du Canada, en Ontario et dans les Prairies, ou par des traités modernes conclus à partir de la fin du XXe siècle. Les traités historiques se concentraient surtout sur la protection des terres, les droits de chasse et de pêche ainsi que d’autres avantages, tandis que les traités modernes prévoient généralement des dispositions en matière d’autonomie gouvernementale et une compensation financière pour les pertes historiques.
Obligation de consulter et d’accommoder
L’obligation de consulter et d’accommoder survient lorsque les gouvernements prennent des décisions susceptibles de porter atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones. Elle s’applique aux projets mineurs et majeurs, tels que l’exploitation des ressources, les infrastructures et les transactions des sociétés. Bien que cette obligation légale incombe à la Couronne (le gouvernement), les entreprises jouent souvent un rôle déterminant dans les processus.
Le devoir de consultation varie en fonction des conséquences possibles d’un projet sur les droits des Autochtones. En cas d’impact potentiel majeur, il peut être nécessaire de mener une consultation approfondie et de prévoir des accommodements tels que le partage des revenus, la protection de l’environnement et la participation équitable des Autochtones. Un manquement à l’obligation de consulter peut entraîner des poursuites judiciaires, des retards dans l’obtention d’autorisations réglementaires ou l’annulation de projets.
Participation des Autochtones dans les entreprises
La participation des Autochtones à l’économie est en croissance, et de nombreuses collectivités prennent activement part à des coentreprises et à des ententes de partenariat ou d’approvisionnement. Les entreprises qui nouent le dialogue avec des groupes autochtones devraient tenir compte des aspects suivants :
- Ententes sur les répercussions et les avantages (ERA) : Ententes juridiquement exécutoires qui décrivent les avantages sur les plans de l’économie, de l’environnement et de l’emploi pour les collectivités autochtones touchées par un projet.
- Actionnariat autochtone : De plus en plus fréquent dans les projets énergétiques, miniers et d’infrastructure, il procure des avantages économiques à long terme aux collectivités autochtones.
- Partenariats en matière de marchés publics et de chaîne d’approvisionnement : Bon nombre d’entreprises et de gouvernements accordent la priorité aux entreprises autochtones dans leurs politiques d’approvisionnement, et favorisent ainsi la réconciliation économique.
- Aménagement immobilier : Nous assistons à une croissance spectaculaire du rythme et de l’ampleur du développement immobilier dans les réserves, stimulée par divers projets gouvernementaux et par l’intérêt et la confiance accrus des promoteurs, des prêteurs et des locataires du secteur privé envers la construction, le travail et la vie dans les réserves.
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA)
Le Canada a appuyé la DNUDPA comme cadre de réconciliation. La DNUDPA reconnaît le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et demande aux gouvernements d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé (CPLE) des groupes autochtones dans de nombreux contextes. La Colombie-Britannique et le fédéral ont adopté une législation visant à harmoniser les lois canadiennes avec la DNUDPA et à mettre en œuvre des plans d’action pouvant influencer les pratiques réglementaires et commerciales.
Bien que l’approche relative au CPLE soit embryonnaire et qu’elle fasse encore l’objet de débats, elle témoigne de l’engagement de certains gouvernements du Canada à mener des consultations sérieuses pour d’obtenir un soutien précieux dans des processus décisionnels importants.
Principales considérations pour les entreprises
Les entreprises qui exercent des activités au Canada devraient intégrer des stratégies d’engagement envers les Autochtones dans leur planification opérationnelle et leurs cadres de gestion des risques. Parmi les pratiques exemplaires, mentionnons :
- Engagement précoce : Collaborer proactivement avec les collectivités autochtones dès le début d’un projet afin d’établir un climat de confiance et d’éviter les conflits.
- Diligence raisonnable en matière juridique : Lors d’opérations de fusion et acquisition, évaluer les droits et revendications territoriales des populations autochtones ainsi que les exigences liées au devoir de consultation.
- Partenariats durables : Tisser des relations à long terme et mutuellement bénéfiques avec les collectivités autochtones par le biais de l’emploi, de la formation et de la création de coentreprises.