Cet article fait partie d’une série rédigée à l’intention d’entités internationales qui souhaitent lancer ou exploiter une entreprise au Canada, ou encore investir dans une société canadienne. Du droit de l’emploi au droit fiscal, chaque article couvre un secteur juridique fondamental au Canada et fait l’objet d’une mise à jour annuelle. Vous trouverez toute la série sur la page Faire affaire au Canada : Guide pratique de A à Z.
Le Canada jouit d’un régime de réglementation bien développé pour protéger l’environnement, un champ de compétence que se partagent le fédéral et le provincial. Bien que ces deux autorités soient les principales sources de législation environnementale, les territoires, les municipalités et les gouvernements autochtones adoptent aussi leur propre réglementation en la matière.
Les lois fédérales, provinciales, territoriales et locales sont basées sur un régime réglementaire qui permet de contrôler (et dans certains cas d’éliminer) les répercussions néfastes des activités industrielles et commerciales sur l’environnement. La législation environnementale s’applique à toutes les entreprises, qu’elles soient émergentes ou bien établies.
Au cours des dernières années, on a modifié les lois fédérales et provinciales pour permettre un droit de regard des communautés autochtones dans l’évaluation des impacts, l’octroi d’autorisations et la surveillance des projets et des activités. Ottawa et la Colombie-Britannique ont aussi adapté leurs textes législatifs pour les harmoniser avec la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. À mesure que cette loi s’enchâssera dans la législation canadienne, les promoteurs peuvent s’attendre à de nouvelles exigences quant à l’obtention du consentement libre et éclairé des communautés autochtones qui subiront les conséquences environnementales de leurs projets ou activités.
La préoccupation publique pour l’environnement, la surveillance réglementaire accrue, les droits autochtones et les divergences législatives entre les territoires ne sont que quelques-uns des facteurs dont les entreprises doivent tenir compte avant d’investir au Canada.
Au moment d’acheter une propriété, de développer un projet ou d’investir dans une entreprise au Canada, il importe d’évaluer les risques environnementaux grâce à un contrôle diligent. Les conseils d’un avocat en droit de l’environnement peuvent s’avérer très utiles – surtout en début de parcours – pour réduire, voire éviter, les obligations environnementales coûteuses. Ils sont aussi très précieux pour démystifier les processus de réglementation et d’obtention de permis, et pour bâtir des ponts avec les populations autochtones touchées par les activités concernées.
Permis
Lois fédérales et provinciales (et, dans une moindre mesure, territoriales et municipales) exigent l’obtention d’autorisations environnementales pour bon nombre d’activités industrielles et commerciales. Ces permis sont conçus pour restreindre le déversement de matières polluantes dans l’environnement. Aussi, le fait d’exercer des activités sans avoir obtenu l’autorisation environnementale requise – ou sans en respecter les termes – constitue une infraction à la majorité des lois susmentionnées. Comme elles ont un objectif dissuasif, les sanctions pécuniaires infligées en cas d’infraction environnementale peuvent être très sévères. Le recours aux pénalités administratives et le montant de celles-ci sont d’ailleurs à la hausse depuis quelques années. Plusieurs territoires adoptent des « codes de pratique », ou d’autres mécanismes analogues, qui permettent de remplacer l’obtention d’un permis de rejet de déchets par un système d’enregistrement et une obligation de respecter un code et une réglementation propres au secteur d’activités.
Sites contaminés
Plusieurs provinces ont adopté des lois et des règlements qui imputent une responsabilité aux différentes parties liées à un site contaminé, même si ces dernières n’ont pas causé la contamination ou ne sont pas actuellement propriétaires ni exploitantes du site. Par conséquent, quiconque envisage d’investir dans une entreprise existante devrait s’assurer que les activités, les actifs et les biens immobiliers de cette entité respectent les lois environnementales en vigueur. Il est également de bon aloi qu’un expert-conseil réputé procède à des études pour établir si (et dans quelle mesure) l’avoir immobilier est contaminé.
De plus, il existe des règlements provinciaux en constante évolution concernant le transport et la réutilisation des sols prélevés d’un site contaminé ou non. Par exemple, en Colombie-Britannique, une personne ne peut pas – sauf exception – transporter des sols provenant de certains sites industriels ou commerciaux sans procéder à une analyse de la qualité de ces sols et remplir un formulaire d’avis de déplacement. L’Ontario a quant à elle adopté une réglementation pour encadrer l’excavation des sols de déblai et leur transport entre des propriétés. Avant de se lancer dans des activités sur un site au Canada, en particulier en Colombie-Britannique et en Ontario, les investisseurs doivent être prêts à respecter toutes les exigences en vigueur quant à la gestion des sols.
Études d’impact environnemental
En vertu des lois fédérales, provinciales et territoriales, certains types d’activités et de projets industriels et commerciaux doivent faire l’objet d’évaluations pour mesurer leurs incidences environnementales avant d’être entrepris. Celles-ci comportent généralement des études et la prise en compte des effets de l’activité ou du projet sur la qualité de l’air et de l’eau, la pêche, la faune, l’utilisation des terres à des fins récréatives et les collectivités environnantes.
L’impact de l’activité ou du projet sur les populations autochtones est un autre facteur à prendre en considération. L’État peut avoir l’obligation de consulter une ou plusieurs communautés autochtones dans différents dossiers et, bien qu’il puisse déléguer les aspects procéduraux de la tâche au promoteur du projet, il ne peut ultimement pas se dégager de ce devoir. Les promoteurs sont donc encouragés, et de plus en plus forcés, à solliciter la participation des communautés autochtones possiblement touchées par un projet. Ainsi, plusieurs d’entre eux créent souvent des coentreprises ou des sociétés de personnes avec des entités autochtones pour favoriser la collaboration. Il est également possible d’obtenir l’appui des populations autochtones au moyen de négociations, qui se concluent généralement par une entente mutuellement bénéfique ou un accord de partage des revenus.
Les résultats de l’évaluation des impacts peuvent pousser les organismes de réglementation à imposer des conditions pour atténuer ou corriger de façon préventive les effets du projet ou de l’activité sur l’environnement avant la première pelletée de terre. En outre, le projet ou l’activité pourrait tout simplement être interdit. Les investisseurs qui envisagent d’exploiter une nouvelle entreprise, particulièrement dans le secteur de la fabrication, de la transformation ou des ressources naturelles, devraient analyser avec soin les lois environnementales pertinentes. Tout projet peut également donner lieu à des examens environnementaux du fédéral et du provincial. Le cas échéant, les analyses peuvent être effectuées simultanément puis passées en revue par un panel de représentants des deux ordres de gouvernement. Elles peuvent aussi inclure des mesures d’évaluation d’impact destinées aux autorités autochtones et mettant l’accent sur l’obtention du consentement des communautés concernées.
Protection des espèces
Les lois, tant fédérales que provinciales, ont été promulguées dans l’intention de protéger la faune et la flore contre les effets nocifs de l’intervention humaine.
La Loi sur les espèces en péril du fédéral vise à prévenir l’extinction des espèces sauvages et à assurer le rétablissement de celles-ci. S’appliquant à tous les biens fonciers de compétence fédérale au Canada, la Loi vise toutes les espèces sauvages à risque ainsi que leur habitat essentiel. Autre exemple similaire, la Loi sur les pêches fédérale protège les poissons faisant l’objet d’une pêche commerciale, récréative ou autochtone de même que leur habitat. Ainsi, personne n’est autorisé à exploiter une entreprise ou à exercer des activités pouvant causer un tort sérieux à tout poisson visé par ces types de pêches. La Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs fédérale voit quant à elle à la protection des oiseaux migrateurs en interdisant de rejeter une substance nocive dans les eaux ou les régions qu’ils fréquentent, sauf exception prévue par un règlement.
Les provinces légifèrent elles aussi dans leurs champs de compétence pour protéger les espèces, notamment en désignant certains cours d’eau comme vulnérables et en imposant des marges de recul pour les zones riveraines. Les lois de protection des espèces servent autant à interdire certaines activités qu’à prévoir des exceptions pour l’obtention de permis. Au moment d’acquérir des biens ou d’investir dans une entreprise à des fins de développement, il importe d’effectuer un contrôle diligent pour identifier l’ensemble des espèces et des habitats (par exemple, les cours d’eau) qui pourraient forcer des études d’impact gouvernementales et entraver le projet.
Transport de matières et de marchandises dangereuses
Le transport de matières et de marchandises dangereuses, tant au pays qu’à l’étranger, constitue un autre point de mire de la réglementation environnementale. Les lois fédérales et provinciales prescrivent des normes de diligence et encadrent toutes les facettes de l’import-export des déchets dangereux et du transport local des matières dangereuses, qu’il soit question de leur contenu, de leur forme ou des substances qu’ils contiennent. De façon générale, les lois relatives au transport de matières dangereuses s’appliquent aux transporteurs, aux expéditeurs et aux intermédiaires (comme les transitaires, exploitants d’entrepôts et courtiers en douane); toutefois, d’autres types d’entreprises peuvent aussi être assujetties à des exigences réglementaires dans certains cas.
La Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999 (LCPE) et le Règlement sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses fixent les critères à respecter pour le transport de déchet au Canada et à l’international. Les exportateurs de déchets dangereux ou de matières dangereuses à recycler sont tenus d’aviser le pays destinataire de leur intention d’exporter de telles matières avant que celles-ci ne quittent le Canada. De plus, il n’est possible d’importer des déchets au Canada que si aucune loi fédérale ou provinciale ne l’interdit.
Gestion des substances toxiques
Le gouvernement fédéral a compétence principale sur l’identification et la réglementation des substances chimiques au Canada, y compris celles dites « toxiques ». La LCPE, le principal texte de loi encadrant la réglementation des substances toxiques, est administrée et mise en application par Environnement et Changement climatique Canada. Elle comprend divers catalogues de substances, notamment la Liste intérieure (c’est-à-dire la liste des substances fabriquées ou importées au Canada à des fins de vente commerciale) et la Liste des substances toxiques (lesquelles sont restreintes et contrôlées).
Conformément au Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (substances chimiques et polymères), il est obligatoire de rapporter toute nouvelle substance, d’évaluer ses risques pour la santé humaine et l’environnement et, s’il y a lieu, de prendre des mesures de contrôle appropriées avant sa mise en marché au Canada. Des exigences de divulgation similaires s’appliquent lorsqu’une personne propose d’utiliser, d’importer ou de fabriquer une substance pour une nouvelle activité d’envergure (et dont la quantité, la concentration ou la forme pourrait avoir un effet différent sur la santé humaine ou l’environnement).
En 2006, Ottawa a mis sur pied le Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) pour cerner, mesurer et limiter les risques posés par les substances chimiques. Ce plan consiste à recueillir des données sur les substances utilisées au Canada afin d’évaluer leur potentiel de toxicité et la nécessité de les réglementer. Environnement et Changement climatique Canada émet fréquemment des avis de collecte obligatoire de renseignements en vertu de la LCPE visant les fabricants, les importateurs ou les utilisateurs de substances chimiques (ou de produits contenant de telles substances). De portée généralement très large, ces avis portent sur des milliers de substances chimiques et peuvent ainsi représenter un lourd fardeau administratif pour les entreprises.
Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a renouvelé et accentué son intérêt envers le PGPC. Aussi, en juin 2023, il a considérablement modifié la LCPE pour la première fois en près de deux décennies. Les changements à la Loi accordent une priorité accrue à l’interdiction de substances toxiques à haut risque, et ont forcé la création d’un plan des priorités en matière de gestion des produits chimiques et d’une liste de surveillance des substances jugées non toxiques, mais pouvant présenter un risque en cas de changement d’usage ou d’augmentation de l’exposition. De plus, Ottawa a annoncé une nouvelle réglementation visant les substances toxiques, notamment des exigences d’étiquetage et d’avertissement additionnelles pour les produits contenants des éléments figurant sur la Liste des substances toxiques, de même que son intention de désigner d’autres substances comme toxiques, en particulier la catégorie complète des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (aussi connues sous le nom de « SPFA » ou de « polluants éternels »).
Économie circulaire
La gestion des déchets relève principalement des provinces et territoires, qui possèdent leurs propres systèmes d’autorisation et leurs propres mécanismes de contrôle en la matière. En règle générale, les exploitants doivent obtenir les approbations ou les permis requis avant d’entreprendre une quelconque activité commerciale liée au transport ou à l’élimination des déchets. Le fédéral exerce aussi une autorité relativement aux déchets interprovinciaux ou importés ainsi qu’aux matières recyclables.
Les dernières années ont été marquées par une hausse du réacheminement des déchets, et ce, grâce à des initiatives de réutilisation, de réparation, de remise à neuf, de transformation et de recyclage des produits, ce qu’on appelle l’économie circulaire. Plusieurs provinces ont également légiféré sur la notion de responsabilité élargie des producteurs, et imputent désormais aux fabricants de certains matériaux la totalité des coûts – et de la charge opérationnelle – du recyclage de leurs produits. Quelques provinces et municipalités ont aussi interdit le plastique à usage unique, ou envisagent de le faire.
Pour sa part, Ottawa a ajouté les « articles manufacturés en plastique » à la Liste des substances toxiques de la LCPE en 2021, et promulgué des règlements interdisant la production, l’importation, la vente et l’exportation de six types de plastique à usage unique en 2022. Le gouvernement fédéral a aussi proposé la création d’un registre pancanadien des plastiques pour mieux suivre et comprendre les rebuts de plastique, la revalorisation des déchets et la pollution au pays, de même que l’imposition prochaine d’un minimum de contenu recyclé à respecter et de nouvelles règles d’étiquetage en matière de recyclabilité. Aussi, les entreprises en activité au Canada peuvent s’attendre à voir tous les ordres de gouvernement adopter davantage de mesures pour renforcer l’économie circulaire au cours des prochaines années.
Changements climatiques
Tous les gouvernements fédéral et provinciaux réglementent l’émission de gaz à effet de serre (GES) et d’autres types de rejets atmosphériques. Depuis la signature de l’Accord de Paris par le Canada le 22 avril 2016, les restrictions en la matière ont grimpé en flèche tant au fédéral qu’au provincial.
De plus, pour atteindre d’ici 2030 son objectif de réduction de 30 % des émissions de GES par rapport à 2005, Ottawa cible certains types de rejets dans la LCPE. En effet, les règlements adoptés en vertu de cette loi contiennent des exigences de réduction des émissions de GES par les véhicules de promenade et les véhicules utilitaires lourds. Le Règlement sur les combustibles propres force entre autres les fournisseurs à réduire l’intensité carbonique de leurs combustibles fossiles liquides.
Le gouvernement fédéral a aussi édicté la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui encadre la tarification fédérale des émissions de GES et le régime de crédits compensatoires. Cette Loi comporte deux parties. La première porte sur l’application de redevances sur certains types de carburants et de déchets combustibles, alors que la seconde établit un système de tarification fondé sur le rendement pour les grands émetteurs industriels de GES. Ces deux initiatives s’accompagnent de nombreuses exigences de divulgation d’information et de dépôt de documents pour certaines entreprises.
Pour assurer le maintien de normes nationales de tarification des GES, les redevances sur les combustibles et/ou le système de tarification fondé sur le rendement de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre s’appliquent aux provinces et territoires qui ne respectent pas le modèle de tarification fédéral. Toutefois, les autorités provinciales et territoriales choisissent les mesures qu’elles mettent en place pour se conformer aux exigences canadiennes minimales. Ces moyens peuvent comprendre une taxe carbone, un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission, une limitation des émissions, des normes d’énergie propre et d’autres mesures réglementaires. À la lumière de ces faits, les investisseurs doivent examiner attentivement les exigences réglementaires pouvant s’appliquer aux GES émis par leurs installations ou leurs produits au Canada.
Eau
La responsabilité constitutionnelle de l’eau est complexe, car elle est partagée entre les autorités fédérales, provinciales et – dans une certaine mesure – autochtones.
La compétence du gouvernement fédéral englobe certains dossiers de gestion des eaux, y compris les pêches, la navigation, les relations internationales, les terrains domaniaux et les peuples autochtones. Ainsi, la Loi sur les ressources en eaux du Canada prévoit un cadre de gestion fédérale-provinciale conjointe des ressources en eaux du pays et des accords de coopération pour l’élaboration et la mise en place de plans de gestion en la matière. La Loi du Traité des eaux limitrophes internationales et la réglementation connexe interdisent les prélèvements massifs des eaux frontalières des bassins canadiens, et ce, à toutes les fins, y compris leur exportation. Toutes les provinces ont également adopté des lois, des règlements ou des politiques interdisant le prélèvement massif d’eau (c’est-à-dire l’action de prélever et de transporter de l’eau depuis son bassin d’origine au moyen de mécanismes anthropiques, de navires, de camions-citernes ou de pipelines).
Les provinces exercent leur compétence en matière de gestion des eaux au moyen de lois obligeant les entités à obtenir une licence (ou une autre forme d’autorisation) pour pouvoir utiliser des eaux de surface et souterraines, et de textes réglementant les rejets dans les eaux. Certaines provinces peuvent aussi déléguer aux municipalités quelques-uns de leurs pouvoirs de réglementation visant les eaux. Les législateurs accordent également une importance capitale à la qualité de l’eau potable, surtout depuis qu’une série d’incidents liés à la santé publique et à l’eau potable ont retenu l’attention des médias. Toutes les provinces ont pris des mesures pour protéger la qualité de l’eau potable et réglementer les entreprises qui construisent et exploitent les réseaux d’alimentation.