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Responsabilité des administrateurs et des dirigeants au Canada : Conseils pour les cadres de multinationales

À jour au 2 septembre 2025

Cet article fait partie d’une série rédigée à l’intention d’entités internationales qui souhaitent lancer ou exploiter une entreprise au Canada, ou encore investir dans une société canadienne. Du droit de l’emploi au droit fiscal, chaque article couvre un secteur juridique fondamental au Canada et fait l’objet d’une mise à jour annuelle. Vous trouverez toute la série sur la page Faire affaire au Canada : Guide pratique de A à Z.

Les devoirs et responsabilités des administrateurs et des dirigeants d’une société peuvent découler de la législation régissant la société, de diverses lois fédérales ou provinciales encadrant l’exploitation d’une entreprise ou de la common law. Dans certains cas, l’administrateur ou le dirigeant peut être tenu responsable d’avoir failli à ses devoirs.

Les paragraphes qui suivent présentent certains devoirs incombant aux administrateurs et aux dirigeants, et les conséquences auxquelles ceux-ci s’exposent en cas de manquement.

Devoirs et responsabilités des administrateurs

Les sociétés constituées en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) ou de la majorité des lois provinciales/territoriales sur les sociétés sont des entités juridiques distinctes de leurs actionnaires et de leurs administrateurs. L’actionnariat élit un conseil d’administration à qui il confie le mandat de gérer – de façon directe ou indirecte – la société et ses activités. Cela dit, les administrateurs ne peuvent évidemment pas tout surveiller dans les moindres détails. Leur rôle est donc beaucoup plus axé sur la supervision que sur l’exécution.

a) Obligation fiduciaire

Les administrateurs ont une « obligation fiduciaire » envers la société. Ils doivent agir honnêtement et de bonne foi dans l’intérêt fondamental de la société, se montrer loyaux envers celle-ci et éviter toute situation de conflit d’intérêts. Les tribunaux canadiens ont cependant déterminé que l’obligation fiduciaire ne se rapportait qu’à la société elle-même, et non à ses actionnaires, ses créanciers ou toute autre partie prenante. Contrairement à ce que l’on voit aux États-Unis, au Canada, les ayants droit de l’obligation fiduciaire restent les mêmes malgré une transaction de vente ou un risque d’insolvabilité. Toutefois, bien que leur devoir demeure envers la société, les administrateurs peuvent quand même veiller aux intérêts des parties prenantes dans leurs prises de décisions. Cette possibilité de tenir compte de plusieurs parties prenantes, dont les actionnaires, les créanciers, les consommateurs, les employés, les gouvernements et l’environnement, est maintenant encadrée par la LCSA. Cependant, les intérêts d’une partie prenante ne doivent jamais avoir préséance sur ceux d’une autre.

L’obligation fiduciaire englobe quelques sous-obligations. L’administrateur doit, entre autres, divulguer son intérêt personnel dans un contrat important conclu avec la société, s’abstenir de voter sur toute résolution qui le met en conflit d’intérêts et ne pas utiliser des renseignements ou des biens de l’entreprise pour en tirer un avantage personnel. De plus, il ne doit pas tirer d’avantage personnel d’une occasion d’affaires précédemment saisie ou envisagée par la société s’il prend connaissance de cette occasion dans le cadre de ses fonctions. Si l’administrateur ne respecte pas ces exigences, il pourrait contrevenir à son obligation fiduciaire. Dans de telles circonstances, il pourrait être tenu de rendre compte à la société de tout gain ainsi réalisé. Un tribunal pourrait aussi accorder des dommages-intérêts à la société pour remettre cette dernière dans l’état où elle était avant le défaut.

b) Obligation de diligence

Les administrateurs ont également une obligation de diligence envers la société. Pour les sociétés constituées en vertu de la LCSA et la plupart de celles constituées sous un régime provincial ou territorial, cette obligation est définie dans la législation pertinente comme étant le devoir d’agir avec la prudence et la compétence dont une personne raisonnable ferait preuve dans des circonstances comparables. Ainsi, l’administrateur doit utiliser ses connaissances, son expérience, ses compétences et son jugement lorsqu’il exerce des pouvoirs, s’acquitte de ses fonctions et prend des décisions. Comme l’obligation de diligence est une norme objective, les tribunaux se baseront sur celle-ci pour déterminer s’il y a eu manquement ou non.

La compétence attendue d’un administrateur donné pourra également varier en fonction l’expérience de celui-ci. On pourrait donc exiger une plus grande prudence des personnes les plus expérimentées ou compétentes. Être absent à la réunion du conseil où une décision a été prise ne décharge pas un administrateur de sa responsabilité, à moins que celui-ci ait consigné sa dissidence.

c) Règle de l’appréciation commerciale

Lorsqu’ils doivent décider si un conseil d’administration respecte ou non ses obligations, les tribunaux canadiens appliquent généralement la règle de l’appréciation commerciale, qui présume que les administrateurs ont agi de bonne foi, de façon éclairée et dans l’intérêt de la société. On traite avec déférence les décisions d’affaires prises par un conseil d’administration, tant qu’elles s’inscrivent dans une gamme d’options raisonnables. La règle de l’appréciation commerciale établit que les administrateurs sont généralement les personnes les mieux placées pour prendre des décisions éclairées au nom de la société; par conséquent, les tribunaux ne porteront pas de jugement après coup pour de telles décisions.

d) Conduite abusive

En vertu de la LCSA et d’autres lois provinciales ou territoriales, les actionnaires dont les intérêts auraient prétendument ou réellement été bafoués par les administrateurs ou les dirigeants d’une société peuvent intenter un recours en cas d’abus visant la société, son conseil d’administration ou sa direction. Le recours en cas d’abus peut aussi être engagé par d’autres parties prenantes dans des circonstances précises. La LCSA définit la conduite abusive au sens large comme suit : toute conduite oppressive ou injustement préjudiciable envers tout porteur de titres, créancier, administrateur ou dirigeant d’une société, ou qui porte inéquitablement atteinte aux intérêts de celui-ci. Lorsqu’une conduite est jugée abusive, le tribunal peut rendre une ordonnance dans le but de corriger la situation. Cependant, un recours en cas d’abus n’est possible que si l’administrateur ou le dirigeant est impliqué dans la conduite abusive et que les réparations demandées sont appropriées à la situation. Le recours en cas d’abus ne se veut pas punitif.

e) Autres devoirs et responsabilités

Aux termes de la législation fédérale et provinciale, d’autres devoirs incombent aux administrateurs.

  • Obligations se rapportant aux salaires et aux caisses de retraite : En vertu de diverses lois fédérales et provinciales régissant les normes du travail, les administrateurs peuvent être tenus responsables du non-paiement des salaires et des indemnités de vacances gagnés par le personnel de leur société au cours de leur mandat individuel. En outre, si une société enfreint une loi provinciale en matière de prestations de retraite, l’administrateur peut être personnellement mis en cause s’il a participé à l’infraction.
  • Obligations liées à l’impôt et aux autres taxes : Un administrateur peut être tenu responsable des retenues salariales, des retenues d’impôt à la source des non-résidents, des taxes d’accise ainsi que d’autres taxes et impôts provinciaux que sa société omet de percevoir, de déduire ou de verser, de même que de toute transgression par sa société d’une loi fiscale fédérale ou provinciale.
  • Obligations découlant de la législation environnementale : Les administrateurs peuvent être tenus responsables des infractions environnementales commises par leur société, et ce, même s’ils n’y prennent pas activement part, puisqu’ils sont réputés contrôler la société et son personnel. Ils peuvent se voir imposer des amendes et être emprisonnés ou jugés passibles de dommages-intérêts pour des délits commis par leur société.
  • Obligations liées aux sociétés ouvertes : Les administrateurs de sociétés cotées en bourse ont des devoirs additionnels et peuvent être assujettis à d’autres responsabilités. Ils doivent notamment s’assurer que la société respecte les différentes exigences de production de rapports et de divulgation d’information, ainsi que les contraintes prescrites par les lois provinciales sur les valeurs mobilières. Tout manquement à cette obligation peut entraîner des sanctions sévères, y compris des amendes et des peines d’emprisonnement.
  • Autres obligations : Selon la nature des activités de la société, les administrateurs peuvent être assujettis à d’autres devoirs et responsabilités, y compris aux termes de la législation encadrant la faillite et l’insolvabilité, les prestations de retraite et les institutions financières. En cas de négligence, des amendes, des peines d’emprisonnement ou des dommages-intérêts pourraient être imposés.

Devoirs et responsabilités des dirigeants

Selon la LCSA, les administrateurs d’une société peuvent nommer des dirigeants qui vont gérer les activités de la société dans certaines limites. À l’instar des administrateurs, ces dirigeants ont une obligation fiduciaire envers la société et, en règle générale, une obligation de diligence. Par conséquent, ils peuvent faire face aux mêmes responsabilités éventuelles que les administrateurs. Le statut de dirigeant ne dépend pas du poste ni du titre officiel d’un employé, mais plutôt du degré de pouvoir et de contrôle réels que celui-ci exerce sur la société.

Protection et défense des administrateurs et des dirigeants

Les administrateurs et les dirigeants peuvent limiter leurs responsabilités personnelles des façons suivantes :

  • Indemnisation par la société : Dans certains cas, les sociétés peuvent indemniser leurs administrateurs et dirigeants pour des actions posées pour le compte de la société. Toutefois, cette indemnité ne sera pas versée si l’administrateur a manqué à son obligation fiduciaire, si la société devient insolvable ou si un tribunal détermine qu’elle est inappropriée.
  • Convention d’actionnaires : La responsabilité des administrateurs peut être limitée et transférée à l’actionnariat par une convention unanime des actionnaires.
  • Assurance : Pour être mieux protégés contre diverses pertes et réclamations, les administrateurs et les dirigeants peuvent souscrire une assurance responsabilité à cet effet. Toutefois, ce genre d’assurance ne couvre habituellement pas les cas de fraude, de conspiration, de comportement criminel ou de violation des droits de la personne.
  • Démission : En dernier recours, un administrateur ou un dirigeant peut démissionner pour se dégager de toute responsabilité découlant d’événements futurs. Il demeure toutefois responsable des événements survenus pendant son mandat.
  • Diligence raisonnable : En règle générale, les administrateurs et les dirigeants ont droit à une défense fondée sur la diligence raisonnable. Une telle défense peut exonérer l’administrateur qui démontre avoir pris toutes les mesures raisonnables pour éviter l’événement donnant lieu à la responsabilité, ou l’administrateur qui a raisonnablement cru à un ensemble de faits erronés qui, s’ils étaient vrais, auraient rendu sa conduite raisonnable dans de telles circonstances. Les dirigeants peuvent se prévaloir de cette défense dans des cas restreints.

Selon la nature de l’infraction et la loi régissant la constitution de la société, la common law et d’autres textes législatifs pourraient conférer des protections et des défenses additionnelles aux administrateurs ou aux dirigeants.