Drapeau canadien avec un gratte-ciel bleu derrière

Article

Considérations linguistiques

À jour au 2 septembre 2025

Cet article fait partie d’une série rédigée à l’intention d’entités internationales qui souhaitent lancer ou exploiter une entreprise au Canada, ou encore investir dans une société canadienne. Du droit de l’emploi au droit fiscal, chaque article couvre un secteur juridique fondamental au Canada et fait l’objet d’une mise à jour annuelle. Vous trouverez toute la série sur la page Faire affaire au Canada : Guide pratique de A à Z.

L’anglais et le français sont les deux langues officielles – et les plus communes – du Canada. Les francophones se concentrent principalement au Québec, alors que les anglophones sont majoritaires dans le reste du pays. Les deux langues ont maintenant un statut égal quant à leur usage dans les institutions fédérales et aux services dispensés par celles-ci. Dans les régions du Canada désignées bilingues, les citoyens peuvent obtenir des services gouvernementaux fédéraux dans l’une ou l’autre des langues officielles.

La Loi sur les langues officielles (du Canada) n’avait jusqu’à tout récemment jamais imposé d’obligation aux entreprises exploitées au Canada. Toutefois, en 2023, le Parlement a adopté une nouvelle loi contraignante concernant l’usage du français comme langue de service et de travail dans les entreprises privées de compétence fédérale, qui s’applique aux activités menées au Québec et dans les régions à forte présence francophone. Le gouvernement fédéral n’a cependant pas encore fixé la date d’entrée en vigueur de cette loi, intitulée Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Les exigences linguistiques dictées aux entreprises figurent également dans d’autres lois fédérales et dans certaines lois provinciales. Par exemple, au fédéral, la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation prévoit que certains renseignements figurant sur les étiquettes de biens préemballés soient en français et en anglais, notamment le nom générique du produit et la déclaration de quantité nette. D’autres restrictions linguistiques s’appliquent aussi à l’étiquetage de produits réglementés, par exemple les médicaments, les appareils médicaux et les aliments.

De plus, les entreprises en activité au Québec doivent respecter la Charte de la langue française (la Charte). En 2022, l’Assemblée nationale a considérablement modifié ce texte de loi pour accroître sa portée, prévoir de nouveaux recours et instaurer d’autres contraintes pour toute personne ou organisation faisant affaire au Québec.

Les changements ont notamment permis de renforcer les recours civils et les sanctions ainsi que d’élargir la réglementation relative à l’usage du français. Ils imposent aussi des exigences linguistiques plus sévères pour la plupart des contrats conclus avec l’administration civile québécoise (le gouvernement du Québec, les divers ministères ou agences et les municipalités), qui doivent être désormais rédigés uniquement en français et accompagnés de documentation en français seulement.

La Charte proclame également le français comme unique langue officielle du Québec. Sauf exception, elle oblige à ce que toute inscription sur un produit vendu sur le marché québécois, dont les biens importés, soit en français. Il en va de même pour le texte qui figure sur le contenant ou l’emballage du produit, pour les documents d’accompagnement (comme le mode d’emploi et le certificat de garantie) ainsi que pour les catalogues et autres publications de même nature. Il est possible d’ajouter une autre langue, mais celle-ci ne doit pas avoir plus de visibilité que le français. De plus, les publications commerciales françaises doivent être aussi facilement accessibles que leur équivalent anglais.

Cette règle s’applique également aux sites Web des entreprises qui comptent au moins un établissement offrant des produits et/ou des services au Québec. Ces sites doivent être en français, et aucune version rédigée dans une autre langue ne doit l’emporter sur la version française, tant sur le fond que sur la forme. L’affichage public et la publicité commerciale doivent également se faire en français seulement, ou en français et dans une autre langue pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante. Aussi, les contrats d’adhésion (c’est-à-dire des contrats classiques), ou tout autre contrat dont les principales clauses ne sont pas négociables et sont prédéterminées par une seule partie – et les documents qui s’y rapportent – doivent d’abord être présentés en français à l’adhérent avant que celui-ci puisse légitimement choisir de signer un contrat dans une autre langue, par exemple l’anglais. De tels contrats (et leur documentation connexe) peuvent toutefois être bilingues, tant que la version française est au moins équivalente sur le fond et la forme à toute autre version. Les entreprises exerçant leurs activités au Québec doivent également avoir une dénomination française. L’utilisation de marques de commerce dans une autre langue que le français est autorisée à certaines conditions. Le 1er juin 2025, des modifications à la Charte visant à restreindre l’utilisation de marques de commerce non françaises dans l’affichage public sont entrées en vigueur. En vertu de ces changements, des dénominations commerciales non françaises connues peuvent toujours figurer sur des produits et du matériel d’affichage public ou publicitaire si aucune version française n’est déposée aux termes de la Loi sur les marques de commerce du Canada. Autrement, le nom français doit impérativement être utilisé. De plus, les mentions génériques ou descriptives accompagnant une marque de commerce doivent désormais être traduites en français, à l’exception du nom de l’entreprise ou du produit.  

De la même façon qu’elle institue le français comme langue du commerce et des affaires, la Charte a une incidence sur certaines questions d’emploi. En vertu de la Charte, les travailleurs québécois ont le droit d’exercer leurs activités professionnelles en français. Les employeurs sont tenus de rédiger les communications destinées au personnel, les offres d’emploi ou de promotion ainsi que les contrats, normes et politiques de travail en français (en plus de toute autre langue utilisée), et il leur est interdit de congédier, de mettre à pied, de rétrograder ou de muter des employés pour la seule raison qu’ils ne parlent que le français ou qu’ils ne connaissent pas suffisamment une autre langue. La maîtrise d’une autre langue que le français ne peut être une condition de l’obtention d’un emploi, à moins que la nature des fonctions occupées n’exige une telle connaissance. Si tel est le cas, l’employeur devra prouver cette nécessité et démontrer qu’il a, au préalable, pris tous les moyens raisonnables pour éviter d’imposer une telle exigence, notamment en tentant de répartir les tâches requérant la maîtrise de cette langue autre au sein du personnel qui la parle suffisamment.

Depuis le 1er juin 2025, toute entreprise du Québec qui emploie 25 personnes ou plus pendant une période de 6 mois ou plus doit s’inscrire auprès de l’Office québécois de la langue française (l’Office), l’organisme gouvernemental chargé de mettre en application les dispositions de la Charte. Ce seuil était précédemment fixé à 50 employés ou plus. Si l’Office estime, après avoir analysé la situation linguistique d’une entreprise, que l’utilisation du français est généralisée, il lui délivre un certificat de francisation. Dans le cas contraire, l’entreprise doit adopter un programme de francisation dont le but est d’étendre l’utilisation du français à l’ensemble de ses activités au Québec. L’entreprise qui emploie 100 personnes ou plus est également tenue de former un comité de francisation qui supervise la situation linguistique interne et en fait rapport à la direction. L’Office peut aussi imposer la création d’un tel comité aux entreprises comptant moins de 100 employés.

Depuis 2022, l’Office a le pouvoir de faire respecter les dispositions de la Charte. Le non-respect d’une ordonnance constitue une infraction passible d’amendes allant de 700 $ CA à 7 000 $ CA par jour pour les particuliers, et de 3 000 $ CA à 30 000 $ CA par jour pour les sociétés. Les montants peuvent être doublés pour une première récidive et triplés pour toute récidive additionnelle. Une infraction qui se poursuit durant plusieurs jours est considérée comme une infraction distincte chaque jour. Les administrateurs et les dirigeants d’entreprise s’exposent aux mêmes amendes, à moins de pouvoir prouver qu’ils ont pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir l’infraction.

Le tribunal peut imposer au contrevenant une amende additionnelle égale au gain réalisé directement ou indirectement grâce à cette infraction, et ce, même si l’amende maximale a déjà été imposée.

En cas d’infraction répétée des dispositions de la Charte, le ministère de la Langue française pourra, à la suggestion de l’Office, suspendre ou révoquer toute autorisation ou tout permis octroyé par une autorité québécoise.

Les sociétés qui contreviennent à leurs obligations linguistiques risquent également de faire l’objet de poursuites civiles par des consommateurs ou d’autres entreprises. Ainsi, des recours civils pourraient permettre l’annulation de contrat pour non-respect des règles encadrant l’usage du français.

Bien que la mise en exécution soit généralement limitée aux particuliers et aux entreprises qui possèdent un établissement au Québec, les entités participant à la commercialisation ou à la vente de produits non conformes (revendeurs locaux, distributeurs, agences de marketing ou de publicité et autres) sont aussi passibles de poursuite pour violation de la Charte.