À l’échelle mondiale, de plus en plus d’organismes de réglementation dans le secteur des services financiers tiennent compte du fait que la culture d’une organisation peut avoir une incidence considérable sur sa gestion des risques et, du même coup, sur sa résilience financière et opérationnelles et sur l’économie en général1. Dans cette optique, le Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF ») a récemment publié un projet de lignes directrices sur les Risques liés à la culture et au comportement (la « ligne directrice »), laquelle a été soumise à une consultation d’une durée de trois mois. Si elle est adoptée, elle s’appliquera à l’ensemble des institutions financières fédérales (« IFF ») au Canada.
Culture de la gestion des risques dans le secteur financier
La culture, telle qu’elle est définie dans la ligne directrice, s’entend des valeurs, des états d’esprit, des croyances et des hypothèses qui dictent ce qui est important et la manière dont les gens devraient se comporter au sein d’une IFF.
Plus particulièrement, l’ébauche de la ligne directrice traite directement de l’importance d’une culture de gestion des risques dans les IFF et reconnaît que celle-ci peut influer sur les comportements et les agissements de ses membres pour ce qui touche le repérage et l’évaluation des risques, de même que la manière d’y répondre. En d’autres termes, la culture de l’IFF peut avoir une incidence directe sur les personnes et les organisations; elle peut aussi renforcer ou affaiblir la résilience d’une IFF.
La ligne directrice vise à contribuer à la solidité de ces institutions, à les aider à préserver la confiance du public et à atténuer l’incidence de la culture organisationnelle sur les pratiques de gestion des risques en imposant aux IFF de mettre au point des processus de gouvernance qui leur permettront de gérer activement leur culture et d’évaluer continuellement les risques potentiels. Les attentes définies dans la ligne directrice indiquent que les processus de gouvernance d’une IFF doivent être adaptés à sa taille, à sa nature, à sa portée, à la complexité de ses activités, à sa stratégie et à son profil de risque.
L’inclusion au projet de ligne directrice de l’exigence d’adopter une structure de gouvernance proportionnelle pour chaque IFF correspond aux principes de gouvernance mis de l’avant par l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») et la Banque des Règlements Internationaux2. En outre, les IFF pourront à terme tirer parti d’un outil d’autoévaluation afin d’analyser leurs protocoles de gouvernance et d’assurer qu’ils se conforment aux attentes énoncées dans la ligne directrice.
Principes directeurs et résultats
La ligne directrice du BSIF vise des résultats précis et décline en divers principes directeurs, que voici :
Structure de gouvernance et surveillance
D’abord, le BSIF énonce qu’il s’attend à ce que la culture et les comportements soient encadrés efficacement selon des paramètres de responsabilité et de supervision clairs qui cadrent avec la mission et la stratégie des IFF; ces dernières devront également établir des structures et des cadres de gouvernance connexes efficaces qui les aideront à atteindre leurs objectifs stratégiques et à gérer les risques.
De plus, les IFF devront élaborer et mettre en œuvre un plan pour implanter la culture souhaitée dans leur organisation.
Établissement d’une culture et de normes comportementales idéales
L’autre résultat escompté par le BSIF est la mise de l’avant et le renforcement de la culture souhaitée et des comportements attendus au sein des IFF. Cela peut se faire de plusieurs façons : dans les actions, les décisions et les paroles des dirigeants de tous les échelons, dans les stratégies de gestion des talents et du rendement, ou encore au moyen de systèmes de rémunération, d’incitatifs et de récompenses.
Il y est par ailleurs recommandé d’utiliser le leadership, des pratiques de gestion des talents et du rendement et des régimes de rémunération pour promouvoir et encourager la culture souhaitée et les comportements attendus.
Gestion des risques liés au comportement
Un autre des résultats visés par le BSIF est le repérage et la gestion proactive des risques associés aux normes comportementales.En effet, la ligne directrice indique que les IFF doivent surveiller les éléments qui pourraient avoir des répercussions négatives sur leur résilience afin de pouvoir s’y attaquer le plus rapidement possible, notamment en utilisant des mécanismes et des techniques pour détecter, évaluer et gérer les risques découlant de normes comportementales qui s’éloignent de la culture souhaitée et des comportements attendus.
Incidences pratiques pour les IFF
Étant donné l’incidence que peut avoir la culture de gestion des risques d’une IFF (c’est-à-dire ses valeurs, attitudes et croyances en matière de risques et de prise de risques) sur sa résilience, le BSIF s’attend à ce que les institutions fassent ce qui suit :
- Définir clairement les responsabilités de chaque poste et fonction clé qui compose les lignes de défense quant à la gestion de la culture et des risques liés au comportement; en assurer le soutien en affectant les ressources humaines et financières adéquates, notamment en établissant des cadres relatifs à la rémunération, à l’éthique, à la gestion des conflits et des talents, au rendement, aux risques et à la résilience, au processus de recours hiérarchique et à la dénonciation.
- Élaborer un plan de mise en œuvre et de surveillance afin d’assurer que la culture organisationnelle est définie aussi clairement que possible et qu’elle permet de gérer les risques efficacement.
- Voir à ce que les cadres dirigeants (y compris la haute direction et les responsables des fonctions de supervision) façonnent activement la culture de leur organisation par leurs paroles et leurs actions, entre autres en :
- établissant un ton cohérent qui s’harmonise avec la culture souhaitée;
- exigeant la conformité aux comportements attendus.
- Tenir compte des objectifs stratégiques et de la culture désirée dans divers contextes, par exemple pour ce qui touche :
- le recrutement, l’embauche, l’accueil et l’intégration, l’apprentissage et le perfectionnement, la fidélisation et la planification de la relève;
- les pratiques de gestion du rendement (établissement d’objectifs, évaluation du rendement, promotions, mesures disciplinaires, congédiement).
- Mettre en place des cadres de rémunération et des incitatifs pour encourager les comportements attendus et décourager les comportements indésirables à tous les échelons, par exemple des récompenses financières, des cartes de pointage ou des marques de reconnaissance formelles et informelles.
- Cibler et évaluer les normes comportementales à l’interne à l’aide d’un éventail de méthodes et de techniques qualitatives et quantitatives, comme des discussions informelles avec les membres du personnel, des sondages, des entrevues, des groupes de réflexion, des analyses de données liées aux personnel (taux de roulement/de conservation des effectifs) et des indicateurs de rendement.
- Déterminer quelles normes comportementales et quels risques connexes nécessitent une intervention. Cela peut notamment consister en la surveillance des normes comportementales existantes, ou encore en la mise en place de mesures pour modifier les normes qui posent un risque ou renforcer celles qui appuient la culture souhaitée.
Dans le cadre de la période de consultation du BSIF, il est possible de soumettre des commentaires au gouvernement fédéral jusqu’au 31 mai 2023 à l’adresse culture@osfi-bsif.gc.ca.
L’auteur et l’autrice du présent article tiennent à remercier Jake Palace, stagiaire chez BLG, pour sa contribution.
1 Le Conseil de stabilité financière a fourni des orientations concernant la surveillance en 2014, l’International Association of Insurance Supervisors a publié une étude technique en 2021, et plusieurs organismes de réglementation (notamment la Banque des Pays-Bas, l’Australian Prudential Regulation Authority et l’Autorité monétaire de Singapour) ont diffusé des documents d’information sur le sujet et intégré la culture à leurs pratiques de surveillance.
2 Voir : « Basel Committee on Banking Supervision Guidelines: Corporate governance principles for banks » (en anglais).