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Perspectives

Les États étrangers ne bénéficient pas de l’immunité de juridiction dans le cadre de procédures d’exécution de sentences arbitrales au Canada

CC/DEVAS (MAURITIUS) LTD. & al. c. REPUBLIC OF INDIA – 500-11-060766-223

Consultez le texte intégral de la décision (en anglais) : CC/Devas (Mauritius) Ltd. c. Republic of India, 2022 QCCS 4785

La Cour supérieure du Québec a récemment rendu sa toute première décision concernant l’immunité des États dans le cadre de procédures d’exécution de sentences arbitrales découlant d’un arbitrage investisseur-État en vertu du traité bilatéral d’investissement entre l’Inde et l’île Maurice (le Bilateral Investment Treaty ou « BIT »).

Le 23 décembre 2022, BLG a obtenu le rejet par la Cour supérieure du Québec d’une demande de la République de l’Inde (la « RI ») visant à écarter la poursuite intentée par les investisseurs de Devas Multimedia relativement à la reconnaissance et à l’exécution de sentences arbitrales internationales.

La RI cherchait à éviter la reconnaissance et l’exécution au Québec de sentences arbitrales de plus de 111 millions de dollars US rendues à son encontre en faveur des investisseurs.

La décision rendue par la Cour quant à l’immunité des États fait en sorte que les procédures peuvent suivre leur cours devant la Cour supérieure du Québec. Le juge Pinsonnault a conclu que l’exception à la Loi sur l’immunité des États concernant les activités commerciales devait s’appliquer puisque l’objet du litige était manifestement un investissement commercial auquel la RI était partie. Il a de plus conclu qu’en prévoyant une clause d’arbitrage dans le BIT et en participant à un arbitrage international en vertu des règles de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (la « CNUDCI »), la RI avait renoncé à son droit à l’immunité.

Les investisseurs ont demandé la reconnaissance des sentences arbitrales au Québec à la fin de 2021, dans le cadre de leurs efforts à travers le monde pour recouvrer auprès de la RI, en vertu de sentences arbitrales, plus de 111 millions de dollars US impayés. Ils ont obtenu la saisie avant jugement entre les mains de l’International Air Transport Association (l’« IATA »), une organisation internationale établie à Montréal, d’actifs indiens d’une valeur de 55 millions de dollars US (à savoir 38 millions de dollars US de l’Airport Authority of India [« AAI »] et 17 millions de dollars US d’Air India). En réponse, la RI, Air India, AAI et l’IATA ont toutes retenu les services de différents cabinets juridiques afin de contester la reconnaissance des sentences arbitrales et de tenter d’annuler les saisies. Ces contestations font actuellement l’objet d’appels.

La décision

Dans la plus récente décision dans cette affaire, le juge Pinsonnault a rejeté la demande de rejet de la RI en vertu de la Loi sur l’immunité des États et déclaré que l’Inde ne bénéficiait pas d’une immunité de juridiction devant la Cour supérieure du Québec.

La Cour supérieure a accepté les arguments des investisseurs sur la nature commerciale du différend en arbitrage en vertu du BIT, concluant que les sentences arbitrales condamnant la RI à verser les sommes dues découlaient directement du fait que celle-ci n’avait pas respecté ses obligations et engagements aux termes du traité, lequel vise notamment à inciter les citoyens et citoyennes de l’île Maurice à investir en Inde sur le plan financier et commercial.

Le juge Pinsonnault a rejeté l’argument de la RI selon lequel le différend en cause portait sur un acte souverain de sa part puisque les investissements des demandeurs avaient été expropriés aux termes d’une décision politique prise compte tenu d’intérêts nationaux et sociétaux. Il a conclu que la décision de la RI ne pouvait être examinée indépendamment du BIT, un traité commercial en vertu duquel la RI a non seulement accepté de promouvoir les investissements mauriciens en Inde, mais aussi offert une protection financière au cas où les investissements étaient expropriés en totalité ou en partie dans des circonstances particulières précisées dans le BIT.

Si la Cour a conclu que l’exception liée aux activités commerciales suffisait pour justifier le rejet de la demande de la RI, elle s’est aussi rangée du côté des investisseurs de Devas pour dire que le consentement de la RI à un arbitrage en vertu des modalités du BIT constituait une renonciation claire et sans équivoque de son immunité dans le cadre de procédures d’exécution. Le juge Pinsonnault a aussi ajouté que le fait que la RI ait convenu de prendre part aux procédures d’arbitrage alors qu’elle est signataire de la Convention de New York revenait pour elle à renoncer à son immunité étatique.

Enfin, la Cour a également souligné que la position de la RI interférait avec le bon fonctionnement du système d’arbitrage international, qui permet aux parties d’avoir des attentes raisonnables quant à l’exécution d’une sentence arbitrale.

Principaux points à retenir et portée de la décision

Cette décision clarifie les principes qui régissent l’exécution au Québec de sentences arbitrales contre des États étrangers. Elle confirme que la Loi sur l’immunité des États ne protège pas les États étrangers contre l’exécution de sentences arbitrales au Canada. À noter qu’une demande de permission d’appeler a été produite au dossier de la Cour.

Même s’il peut s’avérer complexe d’entreprendre des procédures contre des États étrangers qui refusent de se conformer à leurs sentences arbitrales, la décision dans l’arrêt Devas confirme que les tribunaux canadiens favorisent l’arbitrage et veillent au respect des sentences arbitrales.

Équipe de BLG

L’équipe de BLG qui travaille sur ce dossier est composée de Mathieu Piché-Messier, Ira Nishisato, Simon Grégoire, Karine Fahmy, Philippe Boisvert, Amanda Afeich, Dayeon Min, Marc Duchesne, Katia-Maria Medina et Van Khai Luong.

Principaux contacts

  • Subrata Bhattacharjee

    Subrata Bhattacharjee

    Associé et Président national, groupe Concurrence et examen des investissements étrangers

    Toronto
    SBhattacharjee@blg.com
    416.367.6371

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