Vue surplombant forêt et ville

Perspectives

POINT DE VUE

Tendances entourant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) : dossiers à suivre et choses à savoir

L’incidence des politiques partisanes sur les facteurs ESG en 2022, tout particulièrement aux États-Unis, continue d’occuper une place prépondérante en 2023. En parallèle, de plus en plus d’organisations reconnaissent l’importance de se doter de programmes ESG robustes pour être à même de bien gérer leurs risques et favoriser l’accès à des occasions prometteuses. Malgré les répercussions de la stagnation économique mondiale et de la guerre en Ukraine, les investissements en matière d’ESG demeurent solides et continuent même d’augmenter.

Il convient plus que jamais d’adopter une approche mesurée et équilibrée en la matière. D’une part, des groupes de défense de l’environnement essaient par tous les moyens de poursuivre en justice certaines grandes entreprises, qu’elles accusent de se livrer à l’écoblanchiment et de ne pas faire assez de réels efforts. D’autre part, des investisseurs et d’autres parties prenantes pénalisent des entreprises qu’ils estiment être trop conscientisées (wokes).

Nous surveillons de près l’évolution de trois importantes tendances entourant les facteurs ESG. Premièrement, nous observons que les normes non contraignantes appliquées sur une base volontaire continuent de se transformer en obligations légales strictes, comme en fait état la section sur le travail et l’emploi. Deuxièmement, nous notons que l’harmonisation et l’uniformisation progressives de la terminologie – absolument essentielles dans le secteur – se poursuivent elles aussi, comme nous le soulignons dans la section portant sur la gestion des investissements. Nous remarquons pour finir la reconnaissance grandissante accordée aux programmes ESG robustes qui tiennent compte des perspectives, de l’histoire et des positions juridiques propres aux communautés autochtones au Canada, comme l’illustre la section sur les questions autochtones.

Les facteurs ESG touchent tout ce que fait une entreprise, et leurs implications juridiques sont profondes. Dans bien des domaines de pratique, on juge les organisations à l’aune de leurs résultats passés, actuels et futurs.

Le présent rapport aidera votre organisation à se familiariser avec les nouvelles réalités, à relever les lacunes et enjeux potentiels et à ajuster sa posture ESG en amont. Il apporte des pistes de discussion sur des questions importantes et esquisse des moyens pratiques d’atténuer les risques ESG et de saisir les occasions correspondantes.

 

En vedette… Gestion des investissements

Lynn McGrade

Un élan en faveur de la clarification réglementaire

Si la démocratisation des fonds ESG se poursuit, les règles et règlements en la matière sont – pour la plupart – assez permissifs, ce qui rend l’écoblanchiment difficile à déceler pour l’investisseur. En janvier 2022, les ACVM ont cherché à corriger le tir en publiant des indications qui encouragent une plus grande transparence, notamment sur le plan des objectifs et stratégies ESG, du vote par procuration, de la participation des actionnaires et des conventions de désignation. Ces indications ont fait l’objet d’audits et d’examens de la part du personnel de plusieurs organismes provinciaux de réglementation des valeurs mobilières tout au long du deuxième semestre de 2022.

En avril, le Comité de normalisation des fonds d’investissement du Canada (CIFSC) y est allé d’un cadre d’identification aligné sur l’évolution des marchés mondiaux qui éclaire les investisseurs canadiens en définissant des termes communs. Aux termes du nouveau cadre, un fonds d’investissement responsable est considéré comme tel que seulement s’il est assorti d’un mandat d’investissement ESG ou responsable et s’il satisfait aux critères d’au moins une des approches du cadre : évaluation et intégration des facteurs ESG, investissement thématique, filtrage négatif, investissement à retombées sociales (investissement d’impact), engagement actionnarial, gérance et filtrage positif (meilleur de sa catégorie).

Outre ces deux changements, la Securities Exchange Commission (SEC) des États-Unis a proposé des exigences concernant les documents d’information des fonds ESG, lesquelles introduiraient un nouveau document et d’autres obligations applicables aux fonds et aux conseillers en placement qui utilisent des facteurs pour prendre des décisions d’investissement ou définir des stratégies.

Pourquoi est-ce important?

Ce printemps et cet été, les fonds devront mettre à jour leurs prospectus pour se conformer à des obligations d’information en mutation. Or, les approches variant d’une région à l’autre, il peut être difficile de comprendre les nouvelles indications et de donner une cohérence aux activités à l’échelle mondiale. La circonspection est de mise en matière d’information ESG. À preuve, en 2022, des gestionnaires de fonds de placement aux États-Unis ont fait l’objet de litiges en la matière, ce qui lève le doute sur la hausse du risque de responsabilité civile.

Points à considérer 

Les gestionnaires de fonds de placement doivent s’assurer de prendre des mesures appropriées pour se protéger contre les allégations d’écoblanchiment, ce qui implique de connaître la norme sectorielle sur la communication d’information qui se dessine au Canada, ainsi que les normes américaines et européennes, si elles s’appliquent. Ce faisant, les gestionnaires seront plus à même de respecter les obligations d’information concernant leurs prospectus canadiens. Il est également essentiel d’étayer les communications d’information par des politiques, des procédures et des documents connexes.

Au fil de 2023, nous aurons une meilleure idée de la manière dont les organismes de réglementation interprètent les nouvelles indications des ACVM, et l’industrie devrait avoir le temps d’y réfléchir et, au besoin, de s’y opposer. Quant aux sociétés, elles feraient bien de surveiller ce qui se passe aux États-Unis, notamment la finalisation des récentes propositions. Dans certains cas, il pourrait être logique de simplifier les divulgations. Par ailleurs, il est peut-être temps de s’intéresser aux autres volets des indications, dont les politiques et procédures, les lignes directrices sur le vote par procuration, et même les politiques de vente et de communication.

 

En vedette… Différends, litiges et réclamations

Laura M. Wagner et Rick Williams

Au pays, des plaintes hautement médiatisées contre des fabricants et des institutions financières ont donné lieu à des amendes et à des pénalités.

Ailleurs dans le monde, une tendance a émergé : des actions privées en matière d’écoblanchiment opposant des acteurs sectoriels. Par exemple, en Italie, une entreprise de l’industrie du textile a obtenu une injonction provisoire interdisant à sa concurrente de faire des affirmations inexactes et trompeuses tenant de l’écoblanchiment. L’apparition d’affaires semblables au Canada n’est vraisemblablement qu’une question de temps.

À noter qu’un autre phénomène prend de l’ampleur : les dénonciateurs d’écoblanchiment. En cas de discordance entre ce que la haute direction sait et ce que la société communique au public, on peut s’attendre à ce que le personnel prenne – de plus en plus – l’initiative de lever le voile.

Pourquoi est-ce important?

Au cours des prochaines années, il deviendra de plus en plus apparent que vos affirmations relatives aux enjeux ESG intéressent non seulement les organismes de réglementation, mais aussi la concurrence et votre personnel. Autrement dit, il sera plus essentiel que jamais de vérifier attentivement les communications ESG avant leur publication.

Il sera aussi de plus en plus important pour les organisations de produire des documents d’information complets. Par exemple, si vous avez une chaîne d’approvisionnement internationale, vous devez connaître parfaitement son fonctionnement, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières.

Ces démarches sont importantes, et pas seulement pour préserver la réputation de votre organisation ou pour prévenir les litiges. Chaque fois qu’une affaire d’écoblanchiment émerge, on observe des effets négatifs sur la perception qu’a le public de toutes les affirmations relatives aux enjeux ESG et, par conséquent, sur leurs retombées globales.

Points à considérer 

La connaissance de vos obligations d’information, l’examen de vos communications d’information et la vérification de vos données et de l’adhésion de votre direction sont autant de bonnes pratiques ESG qui prendront de l’importance dans les prochaines années.

Une politique d’information solide s’accompagne de processus pour la préparation, l’examen, la vérification et l’approbation des déclarations – volontaires ou obligatoires – sur les enjeux ESG et décourage l’embellissement de la vérité (p. ex., les affirmations promotionnelles sans base factuelle). Dans le doute, tenez-vous-en aux faits et évitez les affirmations qui ne peuvent pas être vérifiées et confirmées.

Enfin, vous vous féliciterez d’avoir analysé rigoureusement votre chaîne d’approvisionnement mondiale dans un avenir proche, surtout lorsque la Loi sur l’esclavage moderne entrera en vigueur. Cette dernière imposera des examens et des rapports à de nombreuses sociétés présentes au Canada.

 

En vedette… Services financiers et finance durable

Tiffany Murray

Les institutions financières prennent le virage ESG

Les institutions financières du Canada sont à l’avant-garde du mouvement ESG, et elles le demeureront en 2023. Constatant qu’elles pouvaient accroître leurs activités et se démarquer de la concurrence, elles ont été nombreuses à saisir l’occasion d’intégrer les facteurs ESG à leurs structures organisationnelles et de gestion, parfois en liant la rémunération du chef de la direction à la performance ESG.

Les effets se font à présent sentir dans tout l’organigramme. On observe notamment une multiplication des engagements de verdissement des portefeuilles de prêts et, par conséquent, un afflux d’obligations et de prêts liés à des objectifs environnementaux ou de développement durable. L’an dernier, on a vu croître considérablement les instruments financiers qui soutiennent la substitution des hydrocarbures par les énergies renouvelables. On parle, entre autres, d’obligations de transition et de prêts liés à la durabilité permettant aux sociétés emprunteuses d’intégrer des cibles à leurs documents de prêts (p. ex., taux d’intérêt liés aux cibles).

Pourquoi est-ce important?

Nous nous attendons à ce qu’en 2023 et dans les années à venir, les institutions financières continuent de donner le ton et de bonifier l’offre de produits. Des acquisitions récentes – comme l’achat par BMO de Radical, une société qui aide les organisations à réduire leur empreinte carbone – témoignent d’un grand élan et, possiblement, d’une accélération de l’innovation dans le domaine.

Cette tendance influera sur la réglementation des produits et services financiers liés aux enjeux ESG. À preuve, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a commencé à produire des communications régulières sur la gestion des risques climatiques, et son insistance sur les attentes en la matière confirme que cet enjeu demeurera un point de mire pour les institutions financières.

Points à considérer 

Vu le niveau de maturité du marché, les organisations qui n’intègrent pas déjà des instruments de finance durable à leurs plans de financement feraient peut-être bien d’y songer. Ces instruments représentent un important bassin de capitaux potentiels et méritent que l’on s’y intéresse dans les années à venir.

Poursuivant l’intégration de facteurs ESG à leur structure de gestion, les banques sont de plus en plus nombreuses à arrimer la rémunération des dirigeants à des indicateurs de durabilité, une pratique dont d’autres secteurs pourraient s’inspirer.

Nous anticipons une diversification et une complexification des produits et des services, dont l’offre de produits dérivés d’instruments de finance durable existants. Les concepteurs de produits devront se pencher sur des questions comme la double comptabilisation des émissions de carbone.

 

En vedette… Fusions et acquisitions

Kent Kufeldt et Jennifer Archer

Les enjeux ESG et la vérification diligente

Les enjeux ESG ont pris une ampleur telle que tous les domaines sont touchés, y compris celui des fusions et acquisitions. Pour nombre d’acheteurs, les enjeux ESG font dorénavant partie de la vérification diligente. Il faut dire qu’un programme ESG solide peut renforcer la capacité d’une société à atténuer les risques (surtout le risque d’atteinte à la réputation) et, sur les marchés d’aujourd’hui, faire augmenter sa valeur.

La lettre « E » du sigle est à l’avant-plan du domaine des fusions et acquisitions depuis un bon moment, mais les acheteurs accordent aujourd’hui plus d’importance aux lettres « S » et « G ». Dans le même ordre d’idée, les processus de vérification diligente comprennent des questions ESG plus poussées qu’auparavant. Les acheteurs s’intéressent désormais à des points comme le respect des lois du travail et les réclamations au titre des droits de la personne, voire la diversité de la main-d’œuvre.

L’évolution des règlements entourant les enjeux ESG a également des conséquences sur le processus de vérification diligente des fusions et acquisitions. Par exemple, un projet de loi canadien visant à combattre l’esclavage moderne devrait toucher à la fois les sociétés ouvertes et les institutions et conduire à des obligations d’information ESG accrues. Par conséquent, les acheteurs potentiels se montrent plus attentifs aux déclarations ESG des sociétés ciblées et penchent pour des acquisitions qui amélioreront leur propre performance ESG ou qui cadreront avec leurs initiatives et normes ESG actuelles.

Pourquoi est-ce important?

Les sociétés – ouvertes ou fermées – en quête d’un acquéreur feraient bien d’incorporer les enjeux ESG à leur optimisation organisationnelle et à leur gouvernance. On peut y aller d’un renforcement de l’expertise, de la surveillance et de la production de rapports en la matière, ou resserrer le suivi des chaînes d’approvisionnement. L’objectif est de prouver aux acheteurs potentiels qu’en ce qui a trait aux enjeux ESG, votre société joint l’acte à la parole.

Points à considérer 

Les vendeurs voudront savoir où ils se situent par rapport aux critères ESG de certains de leurs acheteurs potentiels. Un grand souci des enjeux ESG peut faire bondir le prix de vente d’une société ou attirer l’attention d’actionnaires ou d’investisseurs stratégiques, surtout dans le secteur des ressources.

Par exemple, les investisseurs préféreront que les responsables d’un nouveau site minier ou d’un projet similaire comportant un volet communautaire se montrent proactifs et établissent des relations à long terme avec les communautés autochtones (p. ex., en menant des consultations exhaustives et en ouvrant le capital-actions aux communautés touchées). On ne peut plus se contenter de banalités : on doit tenir compte des subtilités.

Le renforcement des engagements ESG doit d’ailleurs gagner d’autres pans de l’économie. De plus en plus, les acheteurs de divers secteurs s’intéressent de près aux indicateurs ESG. Ils scrutent à la loupe, par exemple, les questions de gouvernance, les chaînes d’approvisionnement et les pratiques de diversité et d’inclusion (à la recherche d’équipes de gestion diversifiées). À mesure que les règlements ESG évolueront, l’intérêt ne fera que croître.

 

En vedette… Environnement et changements climatiques

Jonathan Cocker et Kristyn Annis

L’action climatique s’intensifie

Le Règlement sur les combustibles propres est un important programme qui vise à encourager l’utilisation de carburants à faible teneur en carbone et de procédés et technologies à faible émission de carbone dans le secteur du transport. Il a pour principal objectif d’augmenter progressivement la propreté des carburants courants en obligeant les producteurs et les fournisseurs de combustibles fossiles à réduire l’intensité carbonique de leurs produits d’ici 2030. L’un de ses volets déterminants consiste à permettre aux producteurs et aux distributeurs d’obtenir des crédits auprès de tiers – notamment les exploitants d’un réseau de recharge et les producteurs d’hydrogène propre qui se spécialisent dans le remplacement de combustible – afin de réduire concrètement leur empreinte carbone. Il s’accompagne de plus d’un fonds consacré à l’accélération de la production et de l’adoption de carburants à faible teneur en carbone comme l’hydrogène et les biocarburants.

Parallèlement, le Canada s’apprête à emboîter le pas à un nombre grandissant de pays qui obligeront bientôt les entreprises à communiquer leurs émissions de carbone. À l’heure actuelle, les ACVM et la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis sont toutes deux dotées de projets de règles de déclaration inspirées des recommandations du Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD). La SEC a reporté l’adoption de son controversé règlement sur les déclarations liées aux changements climatiques, initialement prévue pour avril 2023, à l’automne 2023 au plus tôt. Par conséquent, les entreprises visées ne devront s’y conformer qu’à partir de 2024. Les ACVM ont elles aussi repoussé l’achèvement du projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques, dont l’annonce avait précédé l’arrivée de la norme de déclarations de la SEC. Notons que les exigences en matière de déclarations contenues dans ce règlement étaient vues comme moins strictes que celles des règlements proposés par le TCFD et la SEC. Bien que l’on ne s’attende pas à ce que ces projets de règlement entrent en vigueur avant 2024, de nombreuses organisations comme les gestionnaires de caisses de retraite ont déjà proactivement adopté des pratiques de déclaration plus rigoureuses pour démontrer leurs saines pratiques de gouvernance.

En plus de définir des déclarations obligatoires, l’ISSB a récemment mis au point et publié les Normes internationales d’information financière (IFRS) S1 et S2 portant plus précisément sur la durabilité. Développées à l’échelle mondiale, elles visent à établir un ensemble de règles comptables uniformes pour les sociétés ouvertes afin d’assurer la comparabilité des états financiers et des déclarations liées à des transactions précises effectuées dans divers secteurs ou territoires. Il reviendra aux organismes de réglementation locaux comme les ACVM de déterminer si les normes d’information relatives à la durabilité IFRS devront aussi s’appliquer aux émetteurs assujettis et aux autres entités soumises à leurs pouvoirs. Fait notable, les ACVM soutiennent fortement l’ISSB et militent activement pour que ce dernier établisse un siège social à Montréal. Bien des entreprises ont toutefois choisi d’adopter volontairement les normes en question, anticipant leur future entrée en vigueur.

Pourquoi est-ce important?

Les organisations ayant une approche attentiste relativement aux déclarations portant sur la réduction des gaz à effet de serre et les changements climatiques devraient dès à présent se mettre à l’œuvre. Elles doivent absolument connaître leurs obligations en matière d’émissions et de déclarations connexes au titre des plus récents plans de réduction fédéraux et provinciaux et formuler des stratégies de conformité et de remédiation adéquates pour veiller à ce que leurs installations s’harmonisent aux normes qui les visent. Il est essentiel que le suivi des émissions de carbone devienne une pratique courante, notamment en raison du fait que les banques, les investisseurs et les fournisseurs sont de plus en plus nombreux à exiger la divulgation des émissions de portée 1 et 2 des entreprises. Dans bien des cas, il faudra vraisemblablement agir sur les profils d’émissions – et le moment de le faire est venu. D’ici 2025 ou 2026, une bonne partie des projets publics d’énergie propre commenceront à entrer en service, ce qui signifie qu’en ce moment, les occasions d’approvisionnement abondent. Si elles en profitent pour investir dans de nouveaux projets énergétiques et de nouvelles sources d’énergie, les entreprises bénéficieront de tarifs plus avantageux en plus de dégager un avantage concurrentiel. Par ailleurs, en faisant dès maintenant des achats d’énergie à faible intensité de carbone, elles pourraient se donner les moyens d’acquérir des crédits de carbone plus tôt que d’autres ou de devenir des investisseurs stratégiques dans ce domaine.

Points à considérer 

Si les projets de règles portant sur les déclarations visent en ce moment principalement les sociétés ouvertes, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils s’étendent aux sociétés fermées, ce qui ne manquera pas de se répercuter sur les attentes des émetteurs de titres de créance ou de participation.

Pour se préparer, les sociétés fermées feraient bien de sous-traiter une partie du travail nécessaire au suivi et à la réduction de leurs émissions de carbone ainsi qu’à la mise en place d’une structure de gouvernance axée sur la réduction des risques climatiques. Les conseils d’administration devraient discuter de la question des changements climatiques et des risques et occasions qui s’y rapportent à chacune de leurs réunions, à titre de mesure de saine gouvernance.

Les entreprises finiront forcément par devoir mettre les bouchées doubles pour atteindre leurs objectifs ESG obligatoires, ce qui pourrait nécessiter l’adoption de cibles de réduction des émissions de carbone par la haute direction. En outre, les pouvoirs publics s’intéressent davantage à la manière dont les sociétés font participer les communautés autochtones à leurs projets énergétiques. Dans bien des cas, l’issue des projets de ressources et des solutions en matière de changements climatiques au Canada dépendra de la participation des communautés autochtones situées à proximité des projets.

 

En vedette… Travail et emploi

Rob Weir et Benedict Wray

Des squelettes dans le placard?

Au fil des ans, les projecteurs se sont braqués sur la diversité de la main-d’œuvre, l’équité salariale entre les genres et la lutte contre le harcèlement sexuel en milieu de travail, et vu l’attention croissante que suscitent les enjeux ESG, ces trois sujets ne font que gagner en visibilité.

On a pu le constater en 2022 : un nombre grandissant d’organisations se sont vues reprocher leur gestion passée d’allégations d’agression ou de harcèlement sexuel. Des faits récents indiquent que les sociétés sont dorénavant jugées à l’aune des normes contemporaines de transparence, d’ouverture et de soutien aux victimes, même pour des situations au travail remontant à une vingtaine d’années.

Les gens veulent savoir comment l’organisation s’occupe de ces types d’allégations, quel sort est réservé aux personnes qui contreviennent aux politiques, comment sont traitées les victimes, et si les modalités financières de règlement des réclamations au titre des droits de la personne ou en droit de l’emploi sont transparentes.

Pourquoi est-ce important?

Bien que la loi oblige les services des ressources humaines à instaurer des politiques de protection des droits de la personne et de lutte contre le harcèlement et la violence, ces textes ne font généralement pas partie des grandes discussions sur les enjeux ESG. Or, les questions de travail et d’emploi faisant partie intégrante de la lettre « S » du sigle, la situation doit changer.

Les règlements, lois et cadres ESG en pleine mutation poussent déjà les organisations dans cette direction. Les investisseurs et les organismes de réglementation veulent que les organisations aient des programmes solides sur le plan des enjeux ESG et des relations de travail, et des normes d’emploi sont énoncées dans différents cadres : Pacte mondial des Nations Unies, conventions et déclarations de l’Organisation internationale du Travail, Charte internationale des droits de l’homme, principes directeurs de l’OCDE, etc.

Au Royaume-Uni, en Australie et dans certains États américains (dont la Californie), il est obligatoire de rendre compte des écarts salariaux entre les genres, et l’omission d’inclure ces indicateurs dans les rapports ESG peut se solder par des amendes salées. Ces pays et États exigent aussi de la transparence quant au travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement. Le Canada a emboîté le pas en adoptant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

En quelques mots, il est pratiquement impossible pour une organisation de répondre aux attentes associées à la lettre « S » du sigle sans intégrer en amont des pratiques de travail et d’emploi à sa stratégie ESG. Dans le contexte actuel, des lacunes sur ce plan risquent de se solder par des dommages à la réputation ou des conséquences juridiques.

Points à considérer 

Le moment est venu pour les organisations de revoir leurs politiques sur le harcèlement, l’équité salariale entre les hommes et les femmes, la diversité et l’inclusion et de les lier aux enjeux ESG.

Vous pourriez, par exemple :

  • intégrer la diversité et l’inclusion à vos pratiques de recrutement et de fidélisation;
  • examiner votre structure de rémunération et la lier à vos objectifs ESG;
  • mettre la diversité, l’inclusion et le bien-être du personnel au cœur de vos décisions d’approvisionnement;
  • déterminer l’incidence des principes ESG sur votre main-d’œuvre – y compris votre chaîne d’approvisionnement – et voir à anticiper et à contrôler les risques connexes.

Ensuite, il peut être sage d’examiner les allégations passées d’agression ou de harcèlement sexuel à la lumière des nouveaux principes ESG, afin de prévoir ce qui pourrait éclater au grand jour.

 

En vedette… Gouvernance

Fred Pletcher et Cameron MacDonald

Un conseil d’administration au fait des enjeux ESG

L’an dernier, nous avons vu se poursuivre une tendance qui émerge depuis cinq ans : un transfert de la responsabilité entourant les enjeux ESG. Il n’appartient plus à la vice-présidence de l’environnement ou au chef du contentieux de porter le fardeau de la conformité et de répondre des lacunes au chapitre de la gouvernance ESG. En ce qui concerne la surveillance ESG, la responsabilité commence désormais à la porte du conseil d’administration.

Cela découle notamment d’une montée de l’activisme des actionnaires et d’une révision à la hausse des attentes qu’ont les actionnaires en tous genres face aux enjeux ESG. Encouragés à renforcer leur posture sur ce front, les conseils d’administration sont de plus en plus nombreux à développer une expertise ESG interne, qui vient s’ajouter au savoir-faire en finance, en exploitation et en gestion des risques. Il convient de faire une place aux experts ESG dans les conseils d’administration (ou, à tout le moins, les inviter à l’occasion), et l’on s’attend de plus en plus à ce que tous les membres aient au moins une connaissance générale des enjeux ESG, d’autant qu’une deuxième tendance émerge : le passage à des normes ESG plus concrètes. Par le passé, les sociétés pouvaient essentiellement s’aligner sur la norme ou le cadre de leur choix, mais on assiste à une codification des communications ESG et, à brève échéance, les changements réglementaires envisagés aux États-Unis et au Canada devraient se traduire par de nouvelles indications.

Pourquoi est-ce important?

Les tendances ESG se traduisent par de nouvelles exigences pour les conseils d’administration et redéfinissent ce qu’est une gouvernance adéquate. D’une part, vu la direction que prennent les normes et règlements ESG, les vœux pieux ne suffisent plus. Devant un engagement de carboneutralité pour l’horizon 2050, les actionnaires s’attendront probablement à ce que la société explique les moyens qu’elle prendra. Il faudra plus de précision et de rigueur dans les méthodes de mesure et les documents d’information continue.

D’autre part, les sociétés ont besoin d’une gouvernance ESG robuste pour se protéger en amont. Des investisseurs se montrent déjà enclins à montrer la porte à des administrateurs s’ils sont insatisfaits des mesures ESG de la société. De la même façon, des actionnaires militants utilisent les enjeux ESG comme levier pour pousser des sociétés dans la direction voulue.

Points à considérer 

En 2023, les sociétés doivent être au fait d’un certain nombre de tendances en matière de gouvernance ESG, dont les suivantes :

  • L’imposition de nouvelles obligations d’information, surtout en ce qui concerne les risques climatiques, la diversité (appartenance ethnique, âge, géographie, invalidité, expertise, etc.) et le travail forcé;
  • Un renforcement des attentes relatives à la diversité, y compris au sein des conseils d’administration. Les sociétés qui ne répondent pas adéquatement aux attentes des actionnaires sur le plan de la diversité des conseils d’administration pourraient devoir composer avec des propositions;
  • Une augmentation de l’importance attachée à la transparence ESG et du nombre de mesures de prévention de l’écoblanchiment;
  • Une conscientisation aux questions autochtones et une meilleure connaissance de l’identité des voisins, ainsi qu’un engagement à inclure les collectivités locales parmi les partenaires d’affaires potentiels.

Une entreprise qui fait mauvaise figure pourrait devenir la cible d’investisseurs militants. Dans ce contexte, les facteurs ESG peuvent servir de levier aux activistes souhaitant qu’une société change ses pratiques. En matière de gouvernance, l’idéal est d’étudier et de résoudre les problèmes ESG potentiels avant qu’ils ne fassent l’objet d’une campagne militante.

 

En vedette… Questions autochtones

Cherie Brant

L’ajout des questions autochtones aux enjeux ESG

Lorsque la mouvance ESG est née, la majorité des sociétés s’intéressaient principalement aux enjeux environnementaux. Petit à petit, les interrelations entre les lettres « E » et « S » du sigle se sont révélées, et les enjeux sociaux ont progressé dans l’ordre de priorité de nombreuses organisations. En 2022, les terribles nouvelles entourant les pensionnats autochtones, ainsi qu’un rapport de la Commission de vérité et réconciliation paru cinq ans plus tôt, ont éveillé les consciences dans bien des organisations en ce qui concerne les questions autochtones.

Les conseils d’administration étant plus nombreux qu’avant à s’engager sur le terrain de la réconciliation avec les Autochtones, les stratégies ESG comportent de plus en plus souvent un volet autochtone, désigné par la lettre « I » (pour Indigenous). Il y a des sociétés qui font des démarches pour impliquer les communautés autochtones dans les projets susceptibles de les toucher, et d’autres qui établissent des politiques d’équité pour les Autochtones. Aujourd’hui, on compte plus d’organisations qui s’intéressent de près aux retombées des mesures de diversité et d’inclusion chez les Autochtones, et certaines cherchent des moyens de favoriser l’accession des Autochtones aux postes de haute direction ou de multiplier les partenariats avec des entreprises autochtones.

Pourquoi est-ce important?

Le volet autochtone regorge de possibilités pour les organisations. Rappelons cependant que, comme pour tout ce qui touche les enjeux ESG, les engagements envers les Autochtones ne doivent pas être pris à la légère. Ils doivent reposer sur la reconnaissance des droits constitutionnels des groupes autochtones et traduire une volonté sincère de favoriser la pérennité des communautés autochtones en offrant une participation dans les projets, ainsi qu’un accès au capital.

Des programmes ayant de réelles retombées sont plus susceptibles de générer une plus-value et protègent les organisations contre les retards d’exécution de projet et les litiges.

Points à considérer 

L’organisation qui envisage une stratégie ESG-I devra scruter à la loupe les occasions d’affaires et les projets en cours pour s’assurer de leur compatibilité avec les engagements qu’elle compte faire.

Pour commencer, il convient de prendre en compte – et de respecter – les préférences des communautés autochtones appuyées. Par exemple, bien des sociétés offrent des emplois et de la formation aux travailleurs autochtones dans le cadre de leurs engagements ESG-I, alors que les communautés autochtones préféreraient souvent avoir accès aux capitaux ou autres leviers nécessaires pour assurer leur propre durabilité.

Pour ce faire, il importe de commencer à voir les entreprises autochtones comme des partenaires potentiels. Au lieu de recourir à des entrepreneurs qui emploient des Autochtones, par exemple, il peut être préférable, dans une perspective ESG-I, de s’engager à analyser sa chaîne d’approvisionnement et ses politiques d’approvisionnement ainsi qu’à chercher des entreprises autochtones compétentes et à s’associer à elles.

 

En vedette… Fiscalité 

Laurie Goldbach

Les enjeux ESG et le mouvement pour la justice fiscale

Au fil de la dernière décennie, les investisseurs et les consommateurs ont exercé des pressions grandissantes sur les sociétés ouvertes pour qu’elles deviennent plus socialement responsables et, entre autres, paient leur « juste part » d’impôts. En 2022, nombre de sociétés ont réagi en abandonnant une planification fiscale sophistiquée pour rendre plus transparentes leur gouvernance et leur politique en la matière.

Ce nouveau paradigme fiscal comprend naturellement les enjeux ESG. Dans le contexte actuel, il est difficile d’être une entreprise socialement responsable sans disposer d’une stratégie ESG solide, et la politique fiscale fait partie de l’équation. Autrement, une déconnexion se produira tôt ou tard, et les manques pourraient finir par nuire à la réputation ou occasionner des difficultés juridiques.

Pourquoi est-ce important?

Dans le paysage ESG d’aujourd’hui, les sociétés sont fortement surveillées sur le plan fiscal. À preuve, une bonne partie des récentes modifications législatives, mesures réglementaires et exigences d’information relatives aux enjeux ESG portent spécifiquement sur les déclarations fiscales. Il importe donc de tenir compte des points suivants :

  • De nombreuses normes ESG, comme la Global Reporting Initiative, comportent des volets d’information fiscale. Par exemple, la GRI 20 recommande aux sociétés de communiquer et de rendre accessible au public une politique fiscale cadrant avec sa stratégie ESG globale.
  • Les lois européennes, dont la Finance Act 2016 du Royaume-Uni et la directive concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, exigent des communications volontaires complètes quant aux politiques fiscales, à la gouvernance et aux informations quantitatives.
  • En 2020, l’International Business Council du Forum économique mondial (WEF/IBC) a mis à jour ses recommandations en remplaçant l’indicateur principal des impôts par un indicateur des impôts totaux payés, plus éclairant quant à la contribution d’une société par actions aux finances publiques.
  • Un rapport du Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Action 12) recommandait d’élargir les règles de communication obligatoire d’informations afin de relever et de contrer les cas de planification fiscale sophistiquée. Le gouvernement du Canada a donné suite à ces recommandations en déposant un projet de loi sur les opérations à signaler ou à déclarer, une série de règles fiscales visant, à terme, à renforcer la divulgation afin d’améliorer la transparence ESG.

Un modèle de gouvernance fiscale solide mettant l’accent sur la transparence et l’information est non seulement une bonne défense contre la surveillance accrue, mais aussi, vu l’évolution des règlements, un élément essentiel à la pérennité de votre entreprise.

Points à considérer 

Si les enjeux ESG et la « justice » fiscale vont souvent de pair, elles entrent parfois en opposition.

D’une part, certaines politiques et interventions publiques visant à réduire les émissions accordent aux sociétés divers incitatifs et crédits d’impôt qui viennent ultimement réduire la ponction et l’incidence fiscale. Un dilemme se pose alors, car les sociétés dont la facture d’impôt chute se voient reprocher de ne pas payer leur juste part.

Pour se prémunir contre ce genre de critique, votre organisation peut notamment rédiger une politique fiscale liée à ses grands mandats ESG et la publier suivant l’approbation du conseil d’administration. Elle sera ainsi mieux outillée pour tracer la voie à suivre et prendre des décisions fiscales avisées en ne perdant pas de vue ses grands objectifs ESG.

Conclusion

Les organisations canadiennes devront composer avec des occasions et risques ESG en mutation et suivre l’évolution des cadres réglementaires, des obligations d’information, des démarches d’activisme des actionnaires et des attentes en matière de transparence. Pour jouir d’une posture ESG solide, elles devront désormais connaître le fin détail des exigences réglementaires et des obligations d’information, recueillir des données de qualité sur leurs retombées et harmoniser leur stratégie globale.

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