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Fusions et acquisitions : considérations à l'ère de la COVID-19

Fusions et acquisitions : considérations pour les conseils d’administration des sociétés cibles

Le présent document constitue le deuxième d’une série d’articles sur les tendances, les occasions et les défis de l’heure en matière de fusions et d’acquisitions.

La pandémie mondiale de COVID-19 a eu d’importantes répercussions sur les marchés financiers. Bon nombre d’entreprises ont dû interrompre leurs activités; certaines demeurent temporairement fermées tandis que d’autres ont mis la clé sous la porte, ce qui a été source de volatilité sur les marchés boursiers. Au début de la pandémie, nous avons assisté à un effondrement des marchés et, pour de nombreuses entreprises, à une chute de la valeur de leur capitalisation boursière, voire de leur valeur réelle. Le rebond que les marchés ont connu au fur et à mesure de la progression de la pandémie semble, à l’orée d’une deuxième vague, compromis de nouveau par la COVID-19, qui plombe encore une fois l’ensemble des marchés et les cours des actions de diverses entreprises.

Alors que nous continuons à nous adapter à la nouvelle réalité de la COVID-19, force est de constater que les conseils d’administration des sociétés ouvertes seront, du moins dans un avenir prévisible, confrontés à de nombreux défis. L’un de ces défis est la préparation à d’éventuelles offres d’acquisition de leur entreprise. Dans l’exercice de leurs fonctions, les administrateurs doivent respecter leur obligation fiduciaire d’agir avec honnêteté et bonne foi au mieux des intérêts de la société, ainsi que leur obligation d’agir avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve une personne raisonnablement prudente dans des circonstances similaires. Ces obligations sont renforcées lorsqu’il s’agit d’examiner l’opportunité d’accepter ou non une offre d’acquisition de l’entreprise. La COVID-19 ne change rien à ces obligations, mais elle fait intervenir de nouveaux facteurs dont les conseils d’administration doivent tenir compte dans l’exercice de leurs fonctions.

Le présent article aborde certains points dont les conseils d’administration de sociétés cibles canadiennes devraient tenir compte en vue de se préparer à d’éventuelles offres d’acquisition et de négocier des modalités d’acquisition en réponse à une offre. Dans le premier article de cette série publié sur la question, nous avons abordé le sujet du point de vue des conseils d’administration des acquéreurs. D’autres articles de cette série examineront ces questions du point de vue des conseils d’administration des sociétés en difficulté.

Préparation en vue de fusions et d’acquisitions

Les conseils d’administration des sociétés ouvertes doivent se préparer à d’éventuelles offres d’achat de leur entreprise. Les sociétés durement frappées par la COVID-19 sont plus susceptibles de recevoir des offres non souhaitées. Il est donc important que leur conseil d’administration soit prêt à y répondre. Voici une liste d’éléments dont les conseils d’administration devraient tenir compte pour se préparer à répondre à des offres de fusion et d’acquisition.

  • Être au fait des incidences de la COVID-19 sur la valeur. Si certaines entreprises ont été en mesure de reprendre leurs activités de façon à peu près normale, beaucoup d’autres subissent encore les contrecoups de la pandémie. Le conseil d’administration d’une cible touchée par la COVID-19 a donc la tâche difficile d’évaluer les perspectives pour les activités de son entreprise et de déterminer sa valeur actuelle. À partir de là, le conseil d’administration doit décider s’il est préférable de résister à la tentation d’accepter une offre d’acquisition opportuniste en attendant des jours meilleurs ou d’accepter une offre qui représente la seule possibilité pour l’entreprise d’échapper à la faillite ou à d’autres difficultés. Voici quelques-uns des principaux éléments à prendre en compte à cet égard :
  • Comment l’entreprise s’est-elle adaptée à la pandémie?
  • L’entreprise fait-elle partie d’un secteur qui a été ou sera rouvert ou d’un secteur qui sera totalement ou partiellement fermé à long terme? Si c’est le cas, sera-t-elle en mesure de s’adapter et de survivre?
  • L’entreprise peut-elle compter sur des programmes d’aide gouvernementaux? Dans l’affirmative, ces programmes lui permettront-ils de traverser la période difficile actuelle?
  • En supposant que la pandémie finisse par se calmer, la cible pourra-t-elle compter sur un retour à la normale après la pandémie ou sera-t-elle touchée de façon irrémédiable?
  • Connaître l’entreprise et ses vulnérabilités. Le conseil d’administration doit savoir si l’entreprise est vulnérable à une prise de contrôle. Existe-t-il des facteurs non liés à la COVID-19 qui influencent le cours de l’action? Le cours de l’action est-il dévalué en raison d’un repli des marchés? Y a-t-il des problèmes internes au sein de la direction ou du conseil d’administration de l’entreprise?
  • Comprendre les obligations fiduciaires. Les administrateurs doivent bien comprendre leurs obligations fiduciaires et être conscients de leur responsabilité accrue dans le cadre d’une offre d’acquisition de l’entreprise. Il est important que les membres du conseil d’administration comprennent que leur devoir consiste à défendre les intérêts de l’entreprise et à tenir compte des intérêts de toutes les parties prenantes et que, même si la possibilité d’obtenir le prix le plus élevé constitue souvent un facteur clé, il ne s’agit pas de leur obligation première, comme c’est le cas aux États-Unis.
  • Connaître les actionnaires. Les administrateurs doivent savoir qui sont les principaux actionnaires et comprendre leurs motivations. L’actionnariat est-il composé de détenteurs à long terme ou de personnes qui recherchent des rendements rapides? Les objectifs des actionnaires concordent-ils avec ceux de la direction? Est-ce que des actions sont détenues par des militants?

Si ce n’est pas déjà fait, le service des relations avec les investisseurs de l’entreprise devrait être en communication avec les principaux actionnaires et tenir le conseil d’administration au courant de l’identité des grands actionnaires, de leur opinion actuelle au sujet de leur investissement dans l’entreprise et de tout changement important dans l’actionnariat de l’entreprise.

Les actionnaires seront-ils réceptifs à une offre qui pourrait être inférieure au prix offert avant la pandémie? Les actionnaires d’une entreprise touchée par la pandémie risquent de qualifier d’« opportuniste » l’offre faite à la cible. En pareil cas, le défi pour le conseil d’administration est de convaincre les actionnaires que le prix offert est la meilleure offre qu’ils pourraient espérer recevoir dans un avenir prévisible.

  • Connaître les techniques anti-OPA. Les administrateurs devraient être au courant des règles applicables et des techniques les plus récentes utilisées par les sociétés cibles dans le but de faire échec à des offres publiques d’achat. Avant d’envisager le recours à la technique de la pilule empoisonnée, les conseils d’administration doivent être conscients qu’à la suite des modifications apportées aux règles relatives aux offres publiques d’achat qui sont entrées en vigueur en 2016, particulièrement en ce qui concerne la période d’offre de 105 jours, les régimes de protection des droits des actionnaires prévoyant le recours à la technique de la pilule empoisonnée sont utilisés moins souvent que par le passé.
  • Garder un œil sur les éventuels chevaliers blancs. Même s’il est plutôt rare de vérifier l’état du marché lorsqu’une entreprise n’est pas en jeu, le conseil d’administration voudra peut-être se faire une idée des acquéreurs éventuels en consultant son conseiller financier dans le cadre des mesures de préparation à une fusion ou à une acquisition. Dans le cadre de leur stratégie en matière d’offres et d’acquisition, certains émetteurs entretiennent un dialogue ouvert avec un nombre restreint d’acquéreurs potentiels, à qui ils permettent notamment d’examiner leurs données aux fins de contrôle diligent, moyennant la signature d’une entente de confidentialité.
  • Bien préparer le processus de fusion ou d’acquisition. Lorsqu’une entreprise est visée par une offre, les choses évoluent rapidement et les entreprises qui n’ont effectué aucune préparation auront du mal à rattraper leur retard. Cela peut être particulièrement vrai dans le contexte de la COVID-19, où le télétravail est de plus en plus répandu et où il faut plus de temps pour s’organiser. Pour se préparer, les entreprises peuvent prendre quelques mesures pour être prêtes, le cas échéant, à recourir à des enchères publiques ou à une vérification du marché. Parmi les mesures qui peuvent être prises, on peut citer les suivantes :
    • avoir une entente de confidentialité type prête à signer;
    • avoir une chambre de données confidentielles prête à être consultée;
    • disposer de conseillers juridiques, de conseillers financiers et de conseillers en procuration prêts à intervenir.

Modalités de l’opération

Outre les dispositions faisant généralement l’objet de négociations dans le cadre des accords de fusion et d’acquisition, comme les mesures de protection de la transaction, les sociétés cibles et les acquéreurs éventuels qui souhaitent conclure des transactions pendant la pandémie devront tenir compte de quelques dispositions supplémentaires ou de questions ayant trait au processus.

  • Comités spéciaux. Pour certaines opérations, par exemple lorsqu’il peut y avoir conflit d’intérêts ou participation d’initiés, la mise sur pied d’un comité spécial est indiquée. Dans d’autres cas, notamment si le conseil d’administration de l’émetteur compte un grand nombre de membres, il peut être souhaitable de charger un comité spécial de la gestion de l’opération de fusion et acquisition, étant donné qu’un comité restreint est souvent plus apte à répondre rapidement à une offre. Compte tenu des répercussions de la COVID-19, les entreprises constateront peut-être qu’un comité spécial de plus petite taille est mieux placé que le conseil d’administration dans son intégralité pour répondre à une offre.
  • Type de contrepartie. Le conseil d’administration de la cible doit, dans la mesure du possible, envisager le type de contrepartie qu’il entend accepter. Si le cours de l’action de la société cible a chuté en raison de la COVID-19, son conseil d’administration peut estimer que les actionnaires préféreront un échange d’actions afin de conserver leur investissement dans la société et d’attendre que la situation s’améliore, ou de profiter de la baisse de valeur des actions de l’initiateur.

Si l’initiateur offre ses actions en contrepartie, le conseil d’administration devra s’assurer d’être en mesure de procéder à la vérification préalable qui s’impose. Les difficultés associées à l’évaluation de sa propre valeur s’appliqueront à la détermination de la valeur de l’initiateur. Par exemple, dans quelle mesure l’initiateur est-il touché par la COVID-19? Y a-t-il des effets à court terme attribuables à la COVID-19? L’initiateur se remettra-t-il complètement des effets de la COVID-19? Si l’offre est payée en espèces, la cible voudra s’assurer que le prix n’est pas opportuniste et que l’acquéreur dispose des liquidités nécessaires ou peut aisément obtenir un financement.

  • Force majeure. Avant la pandémie, bon nombre d’accords renfermaient des clauses de force majeure types. Toutefois, tant que dure la COVID-19 et même une fois qu’elle sera terminée, les entreprises voudront négocier des dispositions mûrement réfléchies sur les cas d’ouverture à la défense de force majeure donnant à l’acquéreur ou à la cible le droit de se désister d’un accord. Qu’arrive-t-il si l’une ou l’autre partie n’est pas en mesure de remplir ses obligations envers ses fournisseurs, ses clients ou d’autres intervenants clés? Qu’advient-il si l’une ou l’autre partie n’est pas en mesure de poursuivre les négociations? Qu’arrive-t-il si des membres clés de la direction ou du conseil d’administration contractent la COVID-19? Même s’il n’existe pas de bonne ou de mauvaise réponse à ces questions, les conseils d’administration devront en tenir compte lors de la négociation d’un accord définitif.
  • Clauses relatives aux effets défavorables importants (EDI). Au début de la pandémie, on s’est beaucoup demandé si celle-ci pouvait entraîner l’application des clauses EDI rédigées avant la pandémie. Comme on pouvait s’y attendre, quelques procès ont été intentés à cet égard. Le procès le plus médiatisé au Canada est celui opposant Cineplex à Cineworld et, aux États-Unis, celui tout récent entre LVMH et Tiffany. Si les décisions judiciaires, notamment celles qui seront rendues à l’issue de ces procès, sont utiles pour interpréter les clauses d’EDI, bon nombre de parties à des accords de fusion-acquisition abordent désormais expressément la question de la COVID-19 dans leurs clauses EDI. En prévoyant des exceptions relatives à la COVID-19 pour l’application des clauses d’EDI, les cibles peuvent faire valoir que les effets de la COVID-19 ne sont pas secrets et constituent un risque que l’acquéreur doit assumer. Pour sa part, l’acquéreur peut être disposé à accepter un certain risque lié à la COVID-19, mais peut faire valoir que si la cible est touchée de manière disproportionnée, la clause d’EDI devrait s’appliquer.
  • Engagements provisoires. Les cibles sont en règle générale tenues de continuer d’« exercer normalement leurs activités » entre la signature de la convention d’acquisition et la clôture. La COVID-19 ayant modifié la façon dont la plupart des entreprises exercent leurs activités, il faut tenir dûment compte des effets de la COVID-19 avant d’accepter de continuer d’« exercer normalement ses activités ». Les cibles voudront peut-être prévoir une exception générale leur permettant d’exercer leurs activités dans le contexte de la COVID-19. Il se peut que les acquéreurs voient cette exception d’un mauvais œil s’ils veulent exercer un certain contrôle sur les activités provisoires et qu’ils ne souhaitent accepter que les cibles ayant une capacité limitée d’adapter leurs activités pour répondre aux enjeux liés à la pandémie en exigeant un engagement plus concret nécessitant leur consentement.
  • Échéanciers – Instances judiciaires/prorogation des délais. Pour diverses raisons, la pandémie a semé l’incertitude quant aux échéanciers des acquisitions. Par exemple, le Bureau de la concurrence a, à l’instar de diverses autorités de la concurrence et antitrust ailleurs dans le monde, annoncé que l’examen des demandes de fusion pourrait accuser certains retards. Alors qu’ils se sont adaptés à la réalité de la COVID-19, les tribunaux ont cessé leurs activités et pourraient le faire de nouveau lors de la deuxième vague. Comme la vaste majorité des acquisitions de sociétés ouvertes au Canada se fait au moyen d’un plan d’arrangement approuvé par un tribunal, l’établissement des calendriers des tribunaux pourrait avoir une incidence sur les délais. Nous avons conseillé aux cibles d’insérer dans les accords définitifs des dispositions prévoyant des délais supplémentaires pour l’obtention des documents exigés par les tribunaux en cas de retards attribuables à la COVID-19, ainsi que des prolongations de délais pour les situations semblables.

Conclusion

Comme la COVID-19 sévit encore et continue d’avoir des répercussions sur la conduite des affaires, les conseils d’administration des sociétés ouvertes doivent être conscients des incidences que la pandémie peut avoir sur leur entreprise. Les conseils d’administration dont les entreprises sont affectées par la COVID-19 doivent être prêts à recevoir des offres et à décider de l’opportunité d’y donner suite conformément à leurs obligations fiduciaires.

Si vous avez des questions sur les fusions et les acquisitions pendant la COVID-19, n’hésitez pas à communiquer avec votre avocat de BLG ou l’une des personnes-ressources ci-dessous.

  • Par : Jason Saltzman

Principaux contacts

  • Kent Kufeldt

    Kent Kufeldt

    Associé et Chef national des affaires, Valeurs mobilières et marchés financiers

    Vancouver
    KKufeldt@blg.com
    604.640.4195

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